Hostname: page-component-586b7cd67f-t8hqh Total loading time: 0 Render date: 2024-11-26T18:16:25.215Z Has data issue: false hasContentIssue false

« Au défaut des mâles »: Genre, succession féodale et idéologie nobiliaire (France, XVIe-XVIIe siècles)

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Sylvie Steinberg*
Affiliation:
Université de Rouen-GRHis

Résumé

Aux XVIe et XVIIe siècles, les filles de la noblesse française sont appelées à succéder au fief à défaut d’héritier mâle. Au cours du XVIIe siècle, des décisions royales ainsi que la jurisprudence ont tendu à limiter cette possibilité, le critère de masculinité s’imposant, sans toutefois qu’il devienne jamais exclusif. L’examen des débats juridiques qui ont accompagné cette évolution permet de mettre en évidence certaines des mutations idéologiques qu’a connues la noblesse française durant cette période. La montée en puissance de la notion de service, les changements intervenus dans l’administration des preuves de noblesse, l’aspiration à une certaine fermeture de l’ordre sont liés à une conception nouvelle du genre, défini non plus en référence à la place et au rôle que chacun occupe dans la lignée et la fratrie, mais à une identité immuable, définie pour sa part comme une qualité inhérente à la personne, de même que l’est la noblesse elle-même.

Abstract

Abstract

In the sixteenth and seventeenth centuries, aristocratic daughters inherited fiefs when there was no male heir. Over the course of the seventeenth century, however, royal decisions as well as jurisprudence increasingly limited this possibility to male progeny, even if exceptions remained. This article explores the legal debates that accompanied this evolution highlighting a number of changes within the French nobility of this period that reveal a new conception of gender relations. The progressive imposition of the notion of service, changes in the way nobility was proved, and the desire for a certain closure within the nobility all reveal how gender was no longer defined in relation to the place and role each individual held within the lineage or the family. Instead, gender assumed an unchanging identity, wich was considered inherent to the individual, much like nobility itself.

Type
Régimes de genre
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2012

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1- Auguste, et Galland, Thomas, Nouveau recueil de divers plaidoyers de feu Mes Auguste et Thomas Galland et autres fameux advocats de la cour de Parlement, Paris, Henry Le Gras, 1656, p. 368.Google Scholar

2- Cité par Deyon, Solange, « Les non-dits d’un étrange procès : Tancrède de Rohan et ses juges (1645-1646) », Bulletin de la société de l’histoire du protestantisme français, 136, 1990, note 15, p. 198.Google Scholar

3- Sur cette affaire, voir aussi Griffet, Henri, Histoire de Tancrède de Rohan avec quelques pièces concernant l’histoire de France et l’histoire romaine, Liège, J. F. Bassompierre, 1767 Google Scholar. Sur Henri de Rohan, voir Solange, et Deyon, Pierre, Henri de Rohan, huguenot de plume et d’épée, 1579-1638, Paris, Perrin, 2000 Google Scholar ; en attendant la publication des travaux de Jonathan Dewald sur l’ensemble de la famille Rohan aux XVIe et XVIIe siècles.

4- Nassiet, Michel, «Nom et blason. Un discours de la filiation et de l’alliance (XIVe- XVIIIe siècles) », L’Homme, 34-129, 1994, p. 530 Google Scholar, et Id., « Réseaux de parenté et types d’alliance dans la noblesse (XVe-XVIIe siècles) », Annales de démographie historique, 1995, p. 105123 Google Scholar. Pour l’étude d’une « maison » et une présentation critique de cette notion, voir Haddad, Élie, Fondation et ruine d’une « maison ». Histoire sociale des comtes de Belin (1582-1706), Limoges, Pulim, 2009.Google Scholar

5- Exemples dans Nassiet, Michel, Parenté, noblesse et États dynastiques, XVe-XVIe siècles, Paris, Éd. de l’EHESS, 2000, p. 213218 Google Scholar, et Steinberg, Sylvie, La confusion des sexes. Le travestissement de la Renaissance à la Révolution, Paris, Fayard, 2001, p. 211226.Google Scholar

6- Les études et débats sur cette question de la crise de la noblesse sont trop nombreux pour être cités ici. Bilan ancien de Billacois, François, « La crise de la noblesse européenne, 1550-1660. Une mise au point », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 23, 1976, p. 258277 CrossRefGoogle Scholar. Plus récemment, bilan axé sur les aspects démographiques et anthropologiques de la question, toujours à l’échelle européenne, par Delille, Gérard, « Réflexions sur le ‘système’ européen de la parenté et de l’alliance », Annales HSS, 56-2, 2001, p. 369380.Google Scholar

7- Entre autres références, Hanley, Sarah, « Engendrer l’État. Formation familiale et construction de l’État dans la France au début de l’époque moderne », Politix, 8-32, 1995, p. 4565 CrossRefGoogle Scholar (traduction française de « Engendering the State: Family Formation and State Building in Early Modern France », French Historical Studies, 16-1, 1989, p. 427 Google Scholar), et, plus récemment, Id., « The Jurisprudence of the ‘Arrêts’: Marital Union, Civil Society, and State Formation in France, 1550-1650 », Law and History Review, 21-1, 2003, p. 140 Google Scholar ; Descimon, Robert, « L’invention de la noblesse de robe. La jurisprudence du parlement de Paris aux XVIe et XVIIe siècles », in Poumarède, J. et Thomas, J. (dir.), Les parlements de province. Pouvoirs, justice et société du XVe au XVIIIe siècle, Toulouse, Framespa, 1996, p. 677690 Google Scholar ; Id., « Chercher de nouvelles voies pour interpréter les phénomènes nobiliaires dans la France moderne. La noblesse, ‘essence’ ou rapport social ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 46-1, 1999, p. 521 Google Scholar ; Id., « Nobles de lignage et noblesse de service. Sociogenèses comparées de l’épée et de la robe (XVe-XVIIIe siècles) », in Descimon, R. et Haddad, É. (dir.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (XVIe-XVIIIe siècles), Paris, Les Belles Lettres, 2010, p. 277302 Google Scholar. Sur la transmission de l’office et le genre, voir infra, note 91.

8- Voir notamment les remarques de Roumy, Franck sur les définitions différentes que donnent de la consanguinité les droits canon et civil au Moyen Âge dans «La naissance de la notion canonique de consanguinitas et sa réception dans le droit civil », in Van Der Lugt, M. et de Miramon, C. (dir.), L’hérédité entre Moyen Âge et époque moderne. Perspectives historiques, Florence, Sismel-Ed. del Galuzzo, 2008, p. 4166.Google Scholar

9- En toute logique et dans la réalité, le fief peut échoir par ligne cognatique s’il est transmis par une femme à ses enfants. Cependant, les feudistes exposent leurs arguments comme s’il s’agissait toujours d’un héritage paternel, le ramenant au droit d’agnation.

10- Pour les ducs et pairs, voir Labatut, Jean-Pierre, Les ducs et pairs de France au XVIIe siècle. Étude sociale, Paris, PUF, 1972, p. 239243 Google Scholar. Voir aussi les remarques Aristide, d’Isabelle à propos des substitutions que Sully constitua, qui obéissent strictement à ces règles dans La Fortune de Sully, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1990, p. 234236.CrossRefGoogle Scholar

11- Augustin, Jean-Marie, Les substitutions fidéicommissaires à Toulouse et en Haut-Languedoc au XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1980, p. 9195 Google Scholar. Cette tendance majoritaire n’empêche ni les contestations (quand tous les détails de cet ordre de préférence n’avaient pas été clairement précisés) ni les contre-exemples.

12- Sur la littérature relative aux origines de la noblesse, voir Jouanna, Arlette, « L’idée de race en France au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle (1498-1614) », thèse de doctorat, Lille III, 1976 Google Scholar ; Devyver, André, Le sang épuré. Les préjugés de race chez les gentilshommes français de l’Ancien Régime (1560-1720), Bruxelles, Édition de l’université de Bruxelles, 1973 Google Scholar ; Schalk, Ellery, L’épée et le sang. Une histoire du concept de noblesse (vers 1500-vers 1650), trad. fr. par C. Travers, Paris, Champ Vallon, 1996 Google Scholar ; Grell, Chantal et Fortanier, Arnaud Ramière de (dir.), Le second ordre. L’idéal nobiliaire. Hommage à Ellery Schalk, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1999 Google Scholar. Sur les généalogies fictives de la noblesse : en Espagne, voir Redondo, Augustin, « Légendes généalogiques et parentés fictives en Espagne au siècle d’or », in Redondo, A. (dir.), Les parentés fictives en Espagne (XVIe-XVIIe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, p. 1735 Google Scholar ; en Europe, voir Bizzochi, Roberto, Généalogies fabuleuses. Inventer et faire croire dans l’Europe moderne, trad. ital. par L. De Los Santos et L. Fournier-Finocchiaro, Paris, Éd. Rue d’Ulm, 2010.Google Scholar

13- Entre Loire et Rhin, le début du processus de patrimonialisation des honores entre le VIIe siècle et la fin du IXe siècle a été retracé par dans, Régine Le Jan Famille et pouvoir dans le monde franc (VIIe-Xe siècles). Essai d’anthropologie sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 236262.Google Scholar

14- Claude de Ferrière, , Traité des fiefs suivant les coutumes de France et l’usage des provinces de droit écrit, Paris, Jean Cochart, 1680, p. 542543 Google Scholar. C’est nous qui soulignons.

15- D’après Peissonnel, Jacques qui le cite dans Traité de l’hérédité des fiefs en Provence, Aix, Estienne Roize, 1687, p. 52. Google Scholar

16- Brun, Denis Le, Traité des successions [1692], avec de nouvelles décisions et remarques critiques de Mre François-Bernard Espiard de Saux, Paris, Knapen, 1775, p. 240.Google Scholar

17- Saint-Marcel-Franfort, Balthasar Maynier de, Histoire de la principale noblesse de Provence avec les observations des erreurs qui y ont été faites par les précédens historiens…, Aix, Joseph David, 1719, p. 104.Google Scholar

18- Ibid., p. 105. Sur le traité de Maynier, voir Butaud, Germain et Pietri, Valérie, Les enjeux de la généalogie, XIIe-XVIIIe siècles. Pouvoir et identité, Paris, Autrement, 2006, p. 6162 Google Scholar. C’est par une ordonnance de Philippe le Hardi de 1275 que le statut des roturiers possesseurs de fief est régularisé avec l’instauration du droit de franc-fief. Voir Richardot, Hubert, « Les roturiers possesseurs de fiefs nobles », Annales de la faculté de droit d’Aix [Mélanges A. Dumas], n. s., 43, 1950, p. 269281.Google Scholar

19- Livonnière, Claude Pocquet de, Traité des fiefs, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1729, p. 14 Google Scholar. Les apanages des cadets ne sont réversibles à la couronne en cas d’extinction de la descendance mâle que depuis 1284, clause rappelée par l’édit de Moulins en 1566. Pocquet de Livonnière reconnaît que, dans les duchés, comtés et marquisats, cet usage est purement théorique et ne s’observe que dans les duchés-pairies, et encore, depuis 1711. Sur cette dernière question, voir infra, notes 50 et 57.

20- La démonstration de Ralph Giesey est, sur les raisons de ce relatif silence, éclairante : Jeanne, fille de Louis X, fut écartée en 1316 du trône par son oncle, Philippe V, en parfaite connaissance de cause que le droit féodal lui eût été favorable en tant qu’héritière collatérale de son défunt frère Jean, ce que ses partisans s’employaient à faire valoir. Par la suite, mieux valait ne plus évoquer cet aspect juridique des choses. Voir Giesey, Ralph, Le rôle méconnu de la loi salique. La succession royale, XIVe-XVIe siècles, trad. fr. par F. Regnot, Paris, Les Belles Lettres, 2007, p. 2047.Google Scholar

21- Sur ce corpus, voir Giordanengo, Gérard, Le droit féodal dans le pays de droit écrit. L’exemple de la Provence et du Dauphiné, XIIe-début XIVe siècle, Rome, École française de Rome, 1988, p. 122152 Google Scholar. Sur la succession des filles d’après ce corpus, voir Medici, Maria Teresa Guerra, « La successione delle figlie nel feudo. Il feudo materno e l’opinio Baldi », in Frova, C. et al. (éd.), VI Centenario della morte di Baldo degli Ubaldi 1400-2000, Pérouse, Università degli studi, 2005, p. 263288.Google Scholar

22- Guyot, Germain-Antoine, Traité des fiefs tant pour le pays coutumier que pour le pays de droit écrit, Paris, Saugrain, 1738-1751, t. V, p. 336.Google Scholar

23- La phrase qui fonde l’une ou l’autre des opinions contradictoires est celle-ci : « Il faut noter cependant que si les femmes, comme les hommes, succèdent à leurs pères, elles sont écartées par les lois de la succession au fief, comme le sont leurs fils, à moins qu’il n’ait été expressément dit [dictum fuerit] qu’il peut leur revenir », cité par Giesey, R., Le rôle méconnu de la loi salique…, op. cit., p. 1920.Google Scholar

24- Peissonnel, J., Traité de l’hérédité des fiefs en Provence…, op. cit., p. 1415 Google Scholar. Le traité de Peissonnel fut écrit pour réagir contre les prétentions affichées par l’administration royale de réunir au domaine royal les fiefs dont les anciennes inféodations en faveur du premier vassal étaient éteintes, suscitant l’inquiétude de la noblesse provençale. D’après Gaspard Honoré de Coriolis, Traité de l’administration du comté de Provence, Aix, chez la veuve d’Augustin Adibert, 1787, t. II, p. 512515.Google Scholar

25- En l’occurrence, il s’appuie sur Hotman, François, Francogallia, Genève, Ex officina Iacobi Stoerij, 1573, et Dupuy, Pierre, Traité de la majorité de nos rois, et des régences du royaume, Paris, Mathurin du Puis et Edme Martin, 1655 Google Scholar. Sur les arguments de ces auteurs, voir Giesey, R., Le rôle méconnu de la loi salique…, op. cit., p. 179180 et 258-259.Google Scholar

26- La coutume de Paris l’admet depuis 1510 et, jusqu’en 1580, la jurisprudence s’affine qui aboutit à exclure davantage le frère du père décédé. Dans la coutume de Paris, l’article 324 stipule : « Les enfans du fils aisné, soient masles ou femelles, survivans leur père, venans à la succession de leur ayeul ou ayeule, représentent leurdit père au droit d’aisnesse. Et s’il n’y a que des filles, elles représentent leur père toutes ensembles pour une teste audit droit d’aisnesse, et sans droit d’aisnesse entre elles. » Comme dans la coutume de Paris, les filles représentent leur père à Meaux, Melun, Auxerre, Troyes, Chaumont, Vitry, Vermandois, Châlons, Reims, Péronne, Nivernais, Blois, d’après C. de Ferrière, , Traité des fiefs…, op. cit., p. 626 Google Scholar. En Champagne cependant, la fille du fils aîné prédécédé est réduite à la portion d’un puîné mâle alors que l’aînesse appartient à l’oncle (Troyes, art. 92 ; Vitry, art. 66 ; Reims, art. 50), ce qui ne constitue nullement une exclusion de la succession mais du droit d’aînesse, d’après Guyot, G.-A., Traité des fiefs…, op. cit., t. V, p. 336.Google Scholar

27- Dans ces régions, c’est aussi par le biais de la pratique des substitutions que le testateur peut avantager l’aînée de ses filles. Cette pratique est observée à Toulouse et dans le Haut-Languedoc par Jean-Marie Augustin qui note qu’il s’agit sans doute de se conformer aux anciennes coutumes de Guyenne et Gascogne qui mentionnent une aînesse entre filles, tandis que celle de Bordeaux oblige le noble qui n’a que des filles à léguer à sa fille aînée quelque chose à son avantage. Voir Augustin, J.-M., Les substitutions fidéicommissaires…, op. cit., p. 88.Google Scholar

28- Voir la géographie coutumière dressée, avec d’inévitables omissions, par Laurent Bouchel : « Aisnesse n’a point lieu entre filles venans de leur chef, Melun, art. 96. Troyes, art. 14. En succession directe ou collatérale. Paris, art. 19. Meaux, art. 163. Sens, art. 204. Auxerre, art. 58. Estampes, art. 10. Montfort, art. 104. Senlis, art. 131. Valois, art. 59. Vermandois, art. 153. Chaalons, art. 156. Reims, art. 41. Nivernois, titre 35, art. 2. Montargis, titre 1, art. 25. Orléans, art. 89. Dreux, art. 4. Mais où les masles succèdent à tous les fiefs, les filles prennent le même droict d’aisnesse. Noyon, art. 3. Saint- Quentin, art. 83. Ribemont, art. 59. Amiens, art. 71. Chauny, art. 72. Boullenois, art. 66. Artois, art. 97. À Clermont où les filz aisnez ont un chef lieu et les deux parts des fiefs, la fille aisnée emporte seulement hors part, un chef lieu art. 83. Aussi au delà de la Loire, entre filles il y a droict d’aisnesse. Tours, art. 273. Anjou, art. 227. Le Maine, art. 238. Lodumois, titre 27, art. 6. Poitou, art. 296. Angoulesme, art. 90. Xaintonge, art. 94. Bordeaux, art. 76. Excepté la Marche, art. 213. Auvergne, titre 12, art. 52. Bourbonnois, art. 304. Chartres, art. 6. Blois, art. 14. Le Perche, art. 150 », Bouchel, Laurent, La bibliothèque ou trésor du droit François… augmenté en cette nouvelle édition par maistre Jean Bechefer, Paris/Lyon, Jean Girin/Barthélémy Rivière, 1671, t. I, p. 107108 Google Scholar, article « Aînesse ».

29- Suivant la typologie établie par Laurent Bourquin entre trois types d’aînesse, forte, faible – en fait faiblement définie par la coutume – et tempérée. Dans le cas d’une succession avec plusieurs filles, au Nord-Ouest, dans le Ponthieu, à Amiens, en Artois, en Boulonnais, l’aînée laisse un quint viager à ses soeurs puînées. À l’Ouest, les dispositions sont plus avantageuses à l’aînée en Bretagne, Maine et Anjou qu’en Poitou ou en Touraine où elle n’emporte qu’un simple préciput. Voir Bourquin, Laurent, « Partage noble et droit d’aînesse dans les coutumes du royaume de France à l’époque moderne », in Constant, J.-M. (dir.), L’identité nobiliaire. Dix siècles de métamorphoses (IXe-XIXe siècles), Le Mans, Université du Maine, 1997, p. 136165 Google Scholar. Pour les coutumes pyrénéennes (Labourd, Navarre, Soule, Béarn) qui privilégient, y compris pour les roturiers, la transmission de la « maison » sur toute autre préférence à la succession, voir Zink, Anne, L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France sous l’Ancien Régime, Paris, Éd. de l’EHESS, 1993, p. 107113.Google Scholar

30- Sur ces deux dernières coutumes, voir Pocquet de Livonnière, C., Traité des fiefs, op. cit., p. 652.Google Scholar

31- Nord-Est : Cambrésis, Troyes, Nivernais, Sens, Auxerre, Lorraine, Bourgogne ; Centre du royaume : Bourbonnais, Marche, Auvergne, Berry, sauf Angoumois, Sain- tonge, Aunis. Voir Bourquin, L., « Partage noble et droit d’aînesse… », art. cit., p. 159.Google Scholar

32- Commentaires de l’article 19 de la coutume de Paris : « Quand il n’y a que des filles venans à la succession directe ou collatérale, droit d’aînesse n’a lieu, et partissent également. »

33- Positions rappelées ici par Henrion de Pensey, , Traité des fiefs de Du Moulin analysé et conféré avec les autres feudistes, Paris, Valade, 1773, p. 682.Google Scholar

34- de Ferrière, C., Traité des fiefs…, op. cit., p. 624.Google Scholar

35- Guyot, G.-A., Traité des fiefs…, op. cit., t. V, p. 207208.Google Scholar

36- Sur cet arrangement, voir Boltanski, Ariane, Les ducs de Nevers et l’État royal. Genèse d’un compromis (ca 1550-ca 1600), Genève, Droz, 2006, p. 4877.Google Scholar

37- de Pensey, H., Traité des fiefs de Du Moulin…, op. cit., note 28, p. 671 Google Scholar. Les Établissements de Saint Louis sont une compilation de traductions de textes romains et d’extraits des coutumes de l’Orléanais et de la Touraine-Anjou.

38- L’historien du droit Jean Yver, au contraire du jugement d’Henrion de Pensey, a considéré que le partage se faisait entre filles à parts égales du temps des Établissements de Saint Louis, solution qui se serait ensuite conservée en Normandie alors que l’aînesse entre filles serait apparue postérieurement en Maine et Anjou. Pour lui, la coutume normande qui faisait « un peu bande à part parmi les coutumes de l’Ouest » démontrait ainsi qu’elle était plus « primitive », et qu’elle cristallisait la quintessence de la féodalité dont l’exclusion des filles au fief aurait été le signe le plus sûr. Voir Yver, Jean, Les caractères originaux du groupe des coutumes de l’Ouest de la France, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1952 Google Scholar, extrait de la Revue historique de droit français et étranger, 1-1952, p. 18-79, ici p. 26 et 32. En Normandie, l’égalité entre filles ne semble cependant pas si « primitive » et l’évolution tend apparemment, au contraire, vers la disparition du droit d’aînesse entre filles entre le début du XIIIe siècle, où le Très Ancien Coutumier de Normandie accordait à la fille aînée le chef-manoir, et 1583, où la coutume réformée rejetait tout préciput pour l’aînée. D’après Besnier, Robert, « Les filles dans le droit successoral normand », Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis/Revue d’histoire du droit (Haarlem), X, 1930, p. 488506, ici p. 502-504.Google Scholar

39- Sur le parage en général, voir Guyot, G.-A., Traité des fiefs…, op. cit., t. III, p. 115193.Google Scholar

40- n Bretagne, au XVIe siècle, le plus ancien modèle de succession, celui de « l’Assise », prévoyait que les puînés mâles puissent tenir une part du fief en viager tandis que les filles la tenaient en propriété. Celui de la coutume réformée de 1580 prévoit une transmission en propriété d’un tiers du fief aux filles et cadets, les « juveigneurs » qui rendent à leur aîné(e) un hommage faible : c’est ce second modèle qui devient le plus fréquent et explique le développement de cette petite noblesse pauvre étudiée par Nassiet, Michel dans Noblesse et pauvreté. La petite noblesse en Bretagne (XVe-XVIIIe siècles), Rennes, Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1993, p. 6172 Google Scholar. En Normandie, le parage n’a survécu au XVIe siècle que dans les successions entre filles, en l’absence de droit d’aînesse entre elles. Anaïs Dufour note cependant que, dans les faits, les familles préfèrent le partage, quitte à limiter le démembrement par des dédommagements en argent, échanges de parts ou constitutions de rentes. Voir Dufour, Anaïs, «Le Pouvoir des ‘dames’. Femmes et pratiques seigneuriales en Normandie (1580-1620) », mémoire de master II, Université de Rouen, 2010, p. 62.Google Scholar

41- Sur les problèmes que pose la multiplication des justices parmi les parageurs en Poitou, voir Boucheul, Joseph, Coûtumier général ou corps et compilation de tous les commentateurs sur la coutume du comté et pays de Poitou, Poitiers, Jacques Faulcon, 1727, t. I, p. IX.Google Scholar

42- Pocquet de Livonnière, C., Traité des fiefs, op. cit., p. 652.Google Scholar

43- Sur le nom des bâtards, Lefebvre-Teillard, Anne, Le nom. Droit et histoire, Paris, PUF, 1990, p. 5968 Google Scholar ; sur les armes, de Mazières-Mauléon, Henri, « Les brisures de bâtardise », Revue héraldique, XX, 1905 Google Scholar, tiré à part, et Pastoureau, Michel, Traité d’héraldique, 2nde éd. rev. et augm., Paris, Grands manuels Picard, 1993, p. 186 sq.Google Scholar ; sur l’évolution de la jurisprudence, voir Barbarin, Renée, La condition juridique du bâtard d’après la jurisprudence du Parlement de Paris, du Concile de Trente à la Révolution française, Mayenne, Floch, 1960.Google Scholar

44- Depuis l’arrêt Bourges, 1656, rapporté par Fresne, Jean Du dans Journal des principales audiences de Parlement avec les arrêts qui y ont été rendus et plusieurs questions et règlemens placés selon l’ordre des temps depuis l’année 1622 jusqu’en 1660, Paris, Compagnie des libraires associés, 1757, t. I, p. 658.Google Scholar

45- Autrement dit, s’ils se trouvaient l’un et l’autre à la tête d’immenses biens, c’était uniquement parce que le duc de Vendôme avait été institué héritier par son contrat de mariage avec la fille du duc de Mercoeur, tandis que la transaction de 1619 ne devait pas être considérée comme un partage entre héritiers. D’après Du Fresne, J., Journal des principales audiences du Parlement…, op. cit., p. 504505.Google Scholar

46- Delbez, Louis, « De la légitimation par ‘lettres royaux’. Étude d’ancien droit français », thèse de droit, Montpellier, 1923.Google Scholar

47- Argumentations disponibles dans Guyot, G.-A., Traité des fiefs…, op. cit., t. V, p. 208217.Google Scholar

48- Œuvres de M. Claude Henrys, conseiller du roi, et son premier avocat au bailliage et siège présidial de Fores contenant son recueil d’arrêts, vingt-deux questions posthumes tirées des écrits de l’auteur trouvés après son décès, ses plaidoyers et harangues… par M. B. J. Bretonnier, avocat au Parlement, Paris, Pierre-François Emery, 1738, t. III, p. 787.

49- Sur l’édit de 1711, voir Labatut, J.-P., Les ducs et pairs de France…, op. cit., p. 199203 et 381-387.Google Scholar

50- Une partie des trente femmes qui portent un titre de duc et pair entre 1589 et 1723 le possèdent parce qu’elles en ont hérité. Cependant, quelques titres ont été créés pour des dames comme Louise de La Vallière, Louise de Kéroualle, Marie-Angélique de Scoraille de Fontanges ou Marie-Catherine de La Rochefoucauld. Voir Labatut, J.-P., Les ducs et pairs de France…, op. cit., p. 122 Google Scholar. Voir aussi le tableau statistique réalisé par Levantal, Christophe pour la période 1519-1790 dans Les ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l’époque moderne (1519-1790), Paris, Maisonneuve et Larose, 1996, p. 1131.Google Scholar

51- Sa lettre d’érection portait la clause inédite que la bénéficiaire pourrait choisir ses héritiers et successeurs « tant mâles que femelles », ce qui revenait à se substituer au roi dans ce choix.

52- Guyot, G.-A., Traité des fiefs…, op. cit., t. V, p. 402.Google Scholar

53- Levantal, C., Ducs et pairs…, op. cit., p. 1132.Google Scholar

54- Par exemple, la pairie des marquisats de Brunois et Grobois, érigée en 1778 ou encore celle du duché de Gisors (nouvelle érection en 1777).

55- Arrêt de 1716 : Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé, ayant acheté aux princesses héritières de Henri-Jules de Bourbon les pairies d’Enghien et de Châteauroux, doit les dédommager en fiefs de dignité et non en argent. Voir Guyot, G.-A., Traité des fiefs…, op. cit., t. V, p. 403.Google Scholar

56- Arrêt de 1755 sur le Comté d’Ons-en-Bray, voir Jacquet, Pierre, Traité des fiefs, Paris, Samson, 1763, p. 316.Google Scholar

57- Ce qui contraste avec les mesures prises à Naples, par exemple, en 1595, qui permettent d’écarter les filles héritières au profit de garçons situés à un degré de consanguinité plus éloigné. D’après Delille, Gérard, Famille et propriété dans le royaume de Naples (XVe- XIXe siècles), Rome/Paris, École française de Rome/Éd. de l’EHESS, 1985, p. 5859.CrossRefGoogle Scholar

58- Ce sont les coutumes de l’Ouest qui acceptent l’aînesse en ligne collatérale, tandis qu’elle n’existe généralement pas ailleurs, ni dans la coutume de Paris, ni dans celles d’Orléans, Vermandois, Châlonnais, Grand-Perche, Dunois, Cambrésis, Nivernais, Champagne méridionale. D’après Bourquin, L., « Partage noble et droit d’aînesse… », art. cit., p. 149, 154 et 156.Google Scholar

59- Guyot, G.-A., Traité des fiefs…, op. cit., t. V, p. 340 et 341.Google Scholar

60- Pour Denis Le Brun, c’est dans ces successions collatérales que se situe cette « prérogative des mâles », qu’il traite séparément de la prérogative des aînés (souvent mâles mais pas seulement) inhérente à la succession en ligne directe. Voir Le Brun, D., Traité des successions…, op. cit., p. 240.Google Scholar

61- Jean-Baptiste Sainctot, seigneur de Vemars, Maître de cérémonies, meurt en 1652. Au moment de son décès, il laisse deux frères et deux soeurs vivants : Estienne Sainctot, conseiller au Parlement, Nicolas Sainctot, écuyer, Maître de cérémonie, Catherine Sainctot, femme du sieur Fortia, président au bureau des finances de Limoges, Anne Sainctot, femme du sieur de Pleinevette, ainsi qu’une nièce, fille de son frère Pierre qui a été trésorier des finances à Tours. Les deux soeurs sont exclues de l’héritage suivant le principe qu’« au même degré, le mâle exclut la femelle en fief ». Mais la nièce réclame le tiers du fief de Veymars ou Vemars, sis dans la prévôté et vicomté de Paris. Par arrêt du 23 février 1663 de la 1re chambre des enquêtes, elle est déboutée.

62- Voir Huet, J., Notables arrests des audiances du Parlement de Paris depuis 1657 iusques en 1664, recueillis par maistre I.H.S.D.L.P.R.A, advocat en Parlement, Paris, Antoine de Sommaville, 1664, p. 339425.Google Scholar

63- La réformation de la coutume de Paris en 1580 a introduit plusieurs articles sur la représentation en ligne collatérale qui est admise en fief jusqu’au deuxième degré, c’est-à-dire pour les neveux et nièces (article 25 reprenant l’article 16 de l’ancienne coutume et articles 320 à 323). L’article 25 est ainsi formulé : « en succession ou hoirie en ligne collatérale en fief, les femelles n’héritent point avec les masles en pareil degré ». L’article 322 stipule que les fils de fille ne prennent rien à la succession de leur oncle ou tante. L’article 323 stipule que les enfants des frères ne peuvent exclure leurs tantes, soeurs du défunt de la succession. Or, la coutume d’Orléans réformée en 1583, trois ans après la coutume de Paris, est plus explicite : son article 321 stipule que « la fille venant d’un masle représente son père en la succession de son oncle décédé, avec le frère du décédé oncle de ladite fille ». C’est un argument puissant pour les défenseurs des nièces évoqué dans la turbe de 1627 car la coutume d’Orléans a été réformée par le premier président Harlay, les conseillers Viole et Perrot, Viole ayant été auparavant commissaire à la réformation de celle de Paris. Sur les conditions de rédaction des coutumes réformées, voir Grinberg, Martine, Écrire les coutumes. Les droits seigneuriaux en France (XVIe- XVIIIe siècles), Paris, PUF, 2006, p. 7791.Google Scholar

64- Traité de la représentation des filles en la succession des fiefs, suivant la coutume de Paris. Sur la turbe faite au Chastelet en exécution d’Arrests, sur l’article 322 de ladite coustume. Pour monstrer que les nièces, filles d’un frère du deffunt, succèdent par représentation de leur père. Par M. Jean Duboys, advocat en la Cour l’un des turbiers. Avec les Nottes de M. Jean Baptiste Duboys Fils, advocat et maistre des Requestes de la Reyne mère du Roy. Avec les Arrests confirmatifs intervenus sur la question, le dernier rendu sur les conclusions de Monsieur l’advocat général Talon, Paris, chez Pierre L’Amy, 1660. Sur l’affaire Branche de 1658, voir aussi les deux plaidoyers imprimés de Billard l’ainé et Billard le jeune : Plaidoyé de M. Billard, advocat en Parlement, sur la question de sçavoir si dans la Coustume de Sens, dans l’estenduë de laquelle les parties sont demeurantes, les héritages dont est question sont scituez, la fille descendant d’un masle et représentant son père, doit estre admise au partage des fiefs et biens nobles en succession collatérale avec son oncle, qui se prétend par le déced de son père plus proche en degré, s.l., 1661 et Plaidoyé de M. Billard l’aisné, advocat en Parlement, pour servir de response à la question cy-dessus, s.l.n.d.

65- Advis d’aucuns conseillers du Chastelet de Paris. Sur la Turbe faite au Chastelet en exécution d’arrest sur l’article 322 de ladite coutume, imprimé à la suite du Traité de la représentation des filles en la succession des fiefs…, op. cit.

66- Arrêt du 21 mars 1631 : Antoine Ollin et Antoine Noyau comme maris d’Élisabeth et Claude Beroul, nièces du défunt Jacques Beroul et issues d’un frère, Jean, partageront également avec Mathurin Beroul, frère du défunt, le fief des Trois-Villes à Téoux.

67- C’est le cas des coutumes du Bassin parisien, de Normandie et de Picardie. En revanche, les coutumes de partage noble n’admettent le partage inégalitaire que pour les personnes nobles, partage inégalitaire qui s’applique (Anjou, Maine, Touraine) ou non (Bretagne, Poitou, Angoumois) aux terres roturières. Voir Bourquin, L., « Partage noble et droit d’aînesse… », art. cit., p. 138142.Google Scholar

68- Traité de la représentation des filles en la succession des fiefs…, op. cit., p. 16-17.

69- Ibid., p. 19-20.

70- Ibid., p. 28.

71- Sur ce point, voir Grinberg, M., Écrire les coutumes…, op. cit. Google Scholar, en particulier les pages 130-133 consacrées à l’œuvre de Jean-Baptiste Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel, qui date de 1689.

72- Traité de la représentation des filles en la succession des fiefs…, op. cit., p. 37.Google Scholar

73- Ibid., p. 49.

74- Ibid., p. 51.

75- Cette expression est utilisée par certains anthropologues pour rendre compte notamment des termes de parenté qui, dans certaines langues, n’indiquent le sexe de l’individu que relativement à sa place dans la parenté ou à celui/celle qui le désigne. On l’utilise ici pour mettre l’accent sur le fait que, bien que le vocabulaire de la parenté occidentale ne connaisse pas de terme qui se référerait à un sexe relatif, les ordres de préférence appliqués dans la succession féodale supposent qu’on désigne tantôt les individus de façon indifférenciée (enfants successeurs), tantôt absolue (mâle/femelle), tantôt relativement l’un à l’autre (frère/soeur ; neveu/nièce). Voir Alès, Catherine et Barraud, Cécile (dir.), Sexe relatif ou sexe absolu ? De la distinction des sexes dans les sociétés, Paris, Éd. de la MSH, 2001, notamment p. 4348 et 82-86.Google Scholar

76- Advis d’aucuns conseillers du Chastelet de Paris…, op. cit., p. 29 Google Scholar. Cet argument était complété par un autre qui avançait qu’il aurait été injuste d’opérer cette fiction pour une fille de frère alors qu’on excluait le fils d’une soeur, qui ne pouvait représenter sa mère à des droits qu’elle n’avait pas.

77- Ibid., p. 55-56.

78- Ibid., p. 101-102.

79- Descimon, Robert, « Conflits familiaux dans la robe parisienne aux XVIe et XVIIe siècles : les paradoxes de la transmission du statut », Cahiers d’histoire, 45-4, 2000, p. 677697.Google Scholar

80- Advis d’aucuns conseillers du Chastelet de Paris…, op. cit., p. 134 Google Scholar. En réalité, en Nombre, XXVII, il est dit tout le contraire. Comme les filles de Tselophchad viennent se plaindre à Moïse de n’avoir pas succédé à leur père, il porte la cause devant l’Éternel qui lui dit : « Lorsqu’un homme mourra sans laisser de fils, vous ferez passer son héritage à sa fille. S’il n’a point de fille, vous donnerez son héritage à ses frères. » Mais ce passage fut interprété par les défenseurs de la loi salique comme une preuve qu’il ne s’appliquait qu’aux successions ordinaires ou bien, comme ici, totalement à contresens, comme une preuve que Dieu avait approuvé le fait que les filles ne succèdent pas. Voir Giesey, R., Le rôle méconnu de la loi salique…, op. cit., p. 6972, 155 et 162 en particulier.Google Scholar

81- de Ferrière, C., Traité des fiefs…, op. cit., p. 549551.Google Scholar

82- de Pensey, H., Traité des fiefs de Du Moulin…, op. cit., p. 676.Google Scholar

83- AnaïsDufour a calculé que, sur 87 femmes héritières d’une seigneurie en Normandie, recensées par les aveux de la Chambre des comptes et les actes de partage passés devant les tabellions rouennais entre 1580 et 1620, 41 tenaient leur fief en ligne collatérale. Qu’en est-il un siècle plus tard ? C’est ce qu’il resterait à éclaircir. Voir Dufour, A., «Le Pouvoir des ‘dames’… », op. cit., p. 39.Google Scholar

84- Il existe une immense littérature juridique sur la renonciation, les conditions dans laquelle elle pouvait être obtenue, ses effets réels, sa cessation en cas de décès des frères et soeurs, etc. Voir, par exemple, Bretonnier, Barthélémy-Joseph, Recueil par ordre alphabétique des principales questions de droit qui se jugent diversement dans les différens tribunaux du royaume, 3e éd., Paris, Prault, 1756, t. II, p. 139165.Google Scholar

85- Mais ils avaient pu jouer (et jouaient encore ?) parfois dans le sens inverse en permettant à certaines femmes de rassembler des terres. Exemple de Gabrielle Miron développé par Chatelain, Claire dans Chronique d’une ascension sociale. Exercice de la parenté chez de grands officiers (XVIe-XVIIe siècles), Paris, Éd. de l’EHESS, 2008, p. 240241.Google Scholar

86- Ainsi, en Languedoc, il semblerait que les clauses qui prévoyaient une substitution uniquement en voie masculine se soient multipliées au cours du XVIIIe siècle chez les possesseurs de fief de dignité, certaines faisant même référence à la pratique du «majorat » castillan. D’après Augustin, J.-M., Les substitutions fidéicommissaires…, op. cit., p. 100102.Google Scholar

87- Sur l’ensemble de ces évolutions à l’échelle européenne, voir G. Delille, « Réflexions sur le ‘système’ européen de la parenté et de l’alliance », art. cit.

88- Sur ce point, voir les remarques de Régine Le Jan qui parle, à propos de la période où se mit en place l’usage de faire succéder les filles en ligne directe à défaut de mâle, de « promotion de l’unité de filiation comme structure fondamentale et irréductible, avec avantage aux fils sur les filles », ce qui n’est pas la même chose que de parler de « patrilinéarité grandissante du système de la filiation aristocratique » : Lejan, R., Famille et pouvoir dans le monde franc…, op. cit., p. 261 Google Scholar. Voir aussi la distinction introduite par Agnès Fine et Claudine Leduc, répondant à une analyse de Bernard Derouet des sociétés paysannes « à maison », entre une transmission dissymétrique et une transmission unilatérale : Fine, Agnès et Leduc, Claudine, « La dot, anthropologie et histoire. Cité des Athéniens, VIe-IVe siècles/Pays de Sault (Pyrénées audoises), fin XVIIIe siècle-1940 », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 7, 1998, p. 1950 Google Scholar ; Derouet, Bernard, « Dot et héritage : les enjeux de la chronologie de la transmission », in Burguière, A. et al. (dir.), L’histoire grande ouverte. Hommages à Emmanuel Le Roy Ladurie, Paris, Fayard, 1997, p. 284292.Google Scholar

89- Voir les remarques de Nassiet, M. dans Parenté, noblesse et États dynastiques…, op. cit., p. 206211.Google Scholar

90- Mousnier, Roland, La vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, 2e éd. rev. et corr., Paris, PUF, 1971, p. 502508.Google Scholar

91- Jurisprudence en partie exposée par Charles LOYSEAU, au moins pour celle qui a déjà cours quand il écrit, dans Du Droit des offices [1613], in Les Œuvres de Maistre Charles Loyseau avocat en Parlement, contenant les cinq livres du droit des Offices, les Traitez des Seigneuries, des Ordres et des simples dignitez, du déguerpissement et délaissement par hypothèque, de la garantie des rentes, et des abus des justices de village, nouvelle édition, Paris, Edme Couterot, 1678, p. 199-207. Voir Descimon, Robert et Geoffroy-Poisson, Simone, « Droit et pratiques de la transmission des charges publiques à Paris (mi-XVIe-mi-XVIIe siècles) », in Bellavitis, A. et al. (dir.), Mobilité et transmission dans les sociétés de l’Europe moderne, Rennes, PUR, 2009, p. 219234 Google Scholar, et Id., « La construction juridique d’un système patrimonial de l’office. Une affaire de patrilignage et de genre », in Descimon, R. et Haddad, É. (dir.), Épreuves de noblesse…, op. cit., p. 4759.Google Scholar

92- Au cours du Moyen Âge central, les femmes fieffées ne semblent pas avoir été exclues des charges personnelles du fief (prestation de serment, foi et hommage), au moins jusqu’aux XIe et XIIe siècles en Languedoc et Catalogne. Sur ce point, voir Hélène DEBAX, « Le lien d’homme à homme au féminin. Femmes et féodalité en Languedoc et Catalogne (XIe-XIIe siècles) », 2009, http://hal-univ-tlse2.archives-ouvertes.fr/halshs-00498793/. Voir aussi Verdon, Laure, « La place des femmes dans les actes de la pratique féodale du XIe au XIIIe siècle », in Bleton-Ruget, A. et al. (dir.), Regards croisés sur l’œuvre de Georges Duby. Femmes et féodalité, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 179193.Google Scholar

93- Soefve, Lucien, Nouveau recueil de plusieurs questions notables tant de droit que de coutumes jugées par arrests d’audiances du Parlement de Paris depuis 1640 jusques à présent, Paris, Charles de Sercy, 1682, p. 192 Google Scholar. Affaire indécise qui oppose en 1648, dans le Perche, l’évêque de Chartres comme suzerain et la dame de Damville.

94- de Ferrière, C., Traité des fiefs…, op. cit., p. 118.Google Scholar

95- Par exemple, Automne, Bernard, Commentaire sur les coutumes générales de la ville de Bordeaux et pays bourdelais, Bordeaux, J. Mongiron Millanges, [1621] 1656, p. 474.Google Scholar

96- Voir par exemple la controverse entre Ermengarde de Narbonne et Bérenger de Puisserguier en 1164, tranchée en faveur de la dame par Louis VII, où les spécialistes de droit romain examinèrent la capacité des femmes à rendre la justice.D’après Debax, H., «Le lien d’homme à homme au féminin… », art. cit., p. 1718.Google Scholar

97- Digeste, L, 17, 2 : « Les femmes sont écartées de toutes les charges civiques et publiques, et pour cette raison elles ne peuvent pas être juges, ni exercer une magistrature, ni poursuivre en justice, ni représenter autrui [au tribunal], ni être administrateurs de biens », cité par Giesey, R., Le rôle méconnu de la loi salique…, op. cit., p. 57 Google Scholar. Dans les premières décennies du XIIe siècle, le juriste de Bologne Irnerius, recherchant des analogies entre le droit féodal et le droit romain, mit en avant le fait que le fief était un office public, ce qui entraînait l’exclusion des filles de la succession par analogie avec les curiales. D’après Giordanengo, G., Le droit féodal dans le pays de droit écrit…, op. cit., p. 127.Google Scholar

98- Voir Basdevant-Gaudemet, Brigitte, Aux origines de l’État moderne. Charles Loyseau (1564-1627), théoricien de la puissance publique, Paris, Economica, 1977, p. 206 sq. Google Scholar ; Descimon, Robert, « Les paradoxes d’un juge seigneurial. Charles Loyseau (1564-1627) », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 27, 2001 Google Scholar, http://ccrh.revues.org/index1333.html.

99- Loyseau, Charles, Traité des seigneuries [1608], in Les Œuvres de Maistre Charles Loyseau…, op. cit., p. 33 Google Scholar, à propos des raisons pour lesquelles l’ordonnance de 1566 relative à la réversion des fiefs de dignité à la couronne n’est jamais appliquée, ni pour les fiefs anciens, ni pour ceux érigés depuis.

100- Labatut, J.-P., Les ducs et pairs de France…, op. cit., p. 67 Google Scholar. Si les duchesses et pairs ne siègent pas, elles ne sont pas non plus reçues lorsque leur fief est érigé en pairie, exception peut-être faite de la duchesse d’Aiguillon en 1638. Voir Levantal, C., Ducs et pairs…, op. cit., p 393394.Google Scholar

101- Il arrive cependant, au début du XVIIe siècle, que des seigneurs rendent la justice, et que ces seigneurs soient des femmes. Exemples dans Haddad, É., Fondation et ruine d’une « maison »…, op. cit., p. 285 Google Scholar, et, pour la Franche-Comté frontalière du royaume, dans Delsalle, Paul, Les Franc-Comtoises à la Renaissance, Saint-Cyr-sur-Loire, A. Sutton, 2005, p. 155156.Google Scholar

102- Lemoyne, Pierre, La gallerie des femmes fortes, Paris, A. de Sommaville, 1647, p. 291.Google Scholar

103- Cependant, c’est une revendication dont il faudrait faire un inventaire précis car elle apparaît ça et là dans différents milieux au XVIIe siècle, dans la mesure où une telle définition aurait permis une ouverture plus grande de la noblesse. En Bourgogne, c’est un décret des États provinciaux daté de 1605 qui tente d’étendre la définition de la noblesse à une noblesse maternelle au troisième degré. D’après Jules d’Arbaumont, , « Question de la noblesse maternelle », Le Cabinet historique, juin 1861, p. 129132 Google Scholar. En Bretagne, ce sont les paysans révoltés de 1675 qui expriment une telle revendication. Voir Nassiet, M., Noblesse et pauvreté…, op. cit., p. 293.Google Scholar

104- La noblesse utérine de Champagne avait été conservée lors de la rédaction des nouvelles coutumes (Troyes, Chaumont, Vitry, Sens et Meaux), mais ses bénéfices furent réduits à des aspects purement coutumiers après 1566. Voir La Roque, Gilles de, Le Traité de noblesse et de ses différentes espèces, Paris, Mémoires et documents, [1701] 1994, p. 223234 Google Scholar. La noblesse utérine de Champagne a suscité un vif débat dans la seconde moitié du XIXe siècle chez les érudits. Certains nient qu’elle ait jamais consisté en autre chose qu’une noblesse de seconde zone, à mi-chemin entre la roture et la véritable noblesse. C’est la position d’Anatole de Barthélémy, pour lequel la maxime « la verge anoblit, le ventre affranchit » est à l’origine d’une confusion entre le statut de non-serf et celui de noble, dans Barthélémy, Anatole de, Recherches sur la noblesse maternelle, Paris, A. Aubry, 1861 Google Scholar, et Id., Nouvelles observations contre la noblesse maternelle, Paris, Librairie héraldique de J.-B. Dumoulin, 1865 Google Scholar. À l’inverse, Paul Guilhiermoz émet l’hypothèse qu’au Moyen Âge, la noblesse ne se serait transmise que par la mère, suivant l’adage « le fruit suit le ventre » : voir Guilhiermoz, Paul, «Un nouveau texte relatif à la noblesse maternelle en Champagne », Bibliothèque de l’École des Chartes, 1889, p. 509536 CrossRefGoogle Scholar. Il est suivi par Verriest, Léo, Questions d’histoire des institutions médiévales. Noblesse. Chevalerie.Lignages. Conditions des biens et des personnes, seigneurie, ministérialité, bourgeoisie, échevinages, Bruxelles, chez l’auteur, 1960, p. 7798.Google Scholar

105- Hubert, Robert, Traité de la noblesse où sont ajoutez deux discours, l’un de l’origine des fiefs, et l’autre de la foy et de l’hommage, Orléans, Jean Boyer, 1682, p. 159 Google Scholar. Sur les veuves qui viennent demander à être relevée de leur dérogeance après la mort de leur époux roturier, voir l’étude menée sur 191 lettres enregistrées devant la Cour des aides de Rouen entre 1579 et 1664 dans Brunelle, Gayle K., « Dangerous Liaisons: Mesalliance and Early Modern French Noblewomen », French Historical Studies, 19-1, 1995, p. 75103.CrossRefGoogle Scholar

106- Cette question de la rétrospection qui est intrinsèque à la démarche généalogique est très importante pour les conceptions qui se cachent sous le même vocable de « sang » à différentes époques. Dans un contexte différent, voir, sur ce point, les remarques de Zuñiga, Jean-Paul, « La voix du sang. Du métis à l’idée de métissage en Amérique espagnole », Annales HSS, 54-2, 1999, p. 425452, ici p. 450-451.CrossRefGoogle Scholar

107- Lugt, Maaike Van der et Miramon, Charles de, « Penser l’hérédité au Moyen Âge : une introduction », in Van der Lugt, M. et de Miramon, C. (dir.), L’hérédité entre Moyen Âge et Époque moderne…, op. cit., p. 37.Google Scholar

108- Brantôme, , Des Dames, in Œuvres complètes publiées par Ludovic Lalanne pour la société de l’Histoire de France, Paris, 1873, t. IX, p. 430 Google Scholar. Même scène dépeinte dans le t. X, p. 72.

109- La Castille offre l’exemple d’une autre évolution qui montre précisément que la prise en compte de la noblesse des femmes dans le décompte des preuves de noblesse est signe de fermeture. Voir Fayard, Janine et Gerbet, Marie-Claude, « Fermeture de la noblesse et pureté de sang en Castille à travers les procès de hidalguía au XVIe siècle », Histoire, économie et société, 1-1, 1982, p. 5175.CrossRefGoogle Scholar

110- Voir Meyer, Jean, La noblesse bretonne au XVIIIe siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, [1966] 1985, t. I, p. 2961 Google Scholar ; Constant, Jean-Marie, « L’enquête de noblesse de 1667 et les seigneurs de la Beauce », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 21-4, 1974, p. 548566 Google Scholar ; Blanc, François-Paul, « Vivre noblement en Provence. Essai de définition juridique sous le règne de Louis XIV », Provence historique, 230, 2007, p. 331348 Google Scholar ; Pietri, Valérie, « Vraie et fausse noblesse : l’identité nobiliaire provençale à l’épreuve des réformations (1656- 1718) », Cahiers de la Méditerranée, 66, 2003, p. 7991.Google Scholar

111- En Provence, cas des Blacas-Carros, des Blacas d’Aups et des Brun de Castellane, examinés par Pietri, V. dans Les enjeux de la généalogie…, op. cit., p. 250252 Google Scholar. En Bretagne, la Chambre de la réformation se laissa aussi circonvenir par un roturier avéré qui avait épousé une femme d’une souche noble tombée en quenouille. Voir Meyer, Jean, La noblesse bretonne au XVIIIe siècle, op. cit., t. I, p. 45.Google Scholar

112- Voir Caumartin, Louis-François de, Procez verbal de la recherche de la noblesse de Champagne suivi des Notes secrètes sur ladite recherche, Paris, Sédopols, [1673] 1982.Google Scholar

113- L’adjectif « personnelle » accolé à la noblesse paraît avoir au moins deux sens. D’une part, il qualifie une noblesse acquise à la naissance et qui n’a pas besoin de fondements réels pour se prouver : c’est le sens qui est donné ci-dessus par Robert Hubert à la noblesse féminine dormante du fait d’une alliance roturière. D’autre part, il désigne une noblesse au contraire acquise à titre personnel par le biais de l’exercice d’une charge : c’est le sens que lui donne par exemple le comte d’Estaing lorsqu’il fustige la noblesse de robe. Voir d’Estaing, Joachim, Dissertation sur l’origine des fiefs, Paris, G. Martin, 1690, p. 27.Google Scholar

114- Expression utilisée, par exemple, par L’Alouëte, François de, Traité des nobles et des vertus dont ils sont formés : leur charge, vocation, rang et degré…, Paris, R. Le Manier, 1577 Google Scholar, fol. 31v, cité par Jouanna, A., L’idée de race…, op. cit., t. I, p. 152.Google Scholar

115- de La Roque, G., Le Traité de noblesse…, op. cit., p. 82 Google Scholar. Sur le savoir théorique que La Roque invente à partir du savoir juridique et de la pratique des enquêteurs, voir Ribard, Dinah, « Livres, pouvoir et théorie. Comptabilité et noblesse en France à la fin du XVIIe siècle », Revue de synthèse, 6e série, 1-2, 2007, p. 97122, ici p. 111-113.CrossRefGoogle Scholar

116- Sully met dans la bouche d’Henri IV cette même opinion. Lui-même se targue de ses ancêtres en lignes féminines : il souligne que sa grand-mère paternelle, Anne de Melun, descendait plusieurs fois des premiers Capétiens, et que, par les filles, la maison de Béthune s’était alliée à de très grandes familles, comtes des Flandres, ducs de Bourgogne, empereurs et rois de Bohème et de Hongrie. Voir Aristide, I., La Fortune de Sully, op. cit., p. 56 et 59.Google Scholar

117- de Saint-Marcel-Franfort, B. Maynier, Histoire de la principale noblesse de Provence…, op. cit., p. 28.Google Scholar

118- Ibid., p. 53. Ce jugement intervient après une discussion sur l’intégration des familles d’origine juive dans l’ordre de Malte. Si l’entrée dans l’ordre de Malte nécessitait en effet quatre quartiers de noblesse, le fait que les preuves testimoniales y soient reçues rendait cette nécessité peu discriminante dans la réalité.

119- Voir les observations de Maurice Godelier sur la distinction introduite par les anthropologues anglophones qui distinguent filiation et descendance, distinction qui nous paraît opératoire ici : Godelier, Maurice, Métamorphoses de la parenté, Paris, Fayard, 2004, p. 101137.Google Scholar