Le phytoplancton et la productivité primaire ont été étudiés au lac de Port-Bielh (2 285 m), de juin 1967 à octobre 1971, ainsi que dans trois lacs voisins de plus faibles dimensions, en 1968. L'évolution du peuplement phytoplanctonique et de la productivité primaire et ses relations avec les composantes physiques, chimiques et biologiques de ces milieux lacustres de haute montagne sont analysées dans ce travail.
Le phytoplancton se compose d'espèces de petite taille (nannoplancton) où dominent des formes flagellées (Chrysomonadines et Cryptomonadines) et des Diatomées (Cyclotella). Les Chlorophycées sont peu abondantes, les Péridiniens pratiquement absents. Si ces groupes ce succèdent au cours de l'été de façon à peu près identique, le peuplement des quatre lacs diffère, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.
Le cycle annuel du phytoplancton du lac de Port-Bielh se caractérise par la succession de deux périodes distinctes. En hiver, les quantités d'algues sont réduites (3 à 28 mg de Poids frais/m3) ; près du fond se développent d'importantes populations de bactéries anaérobies, associées à des Cyanophycées et à Astasia sp. En été, la biomasse algale est de 180 mg de Poids frais/m3 en moyenne, elle atteint un maximum (420 à 510 mg de Poids frais/m3) chaque année trois semaines à un mois après la disparition de la glace. Pour la majorité des espèces, les populations les plus denses se développent dans la zone profonde du lac, en période de stratification thermique. L'isothermie d'automne entraîne une répartition homogène des algues dans toute la masse d'eau.
En hiver, la productivité primaire du lac de Port-Bielh, très faible sous la glace, est de l'ordre de 10 µg C/m3 jour) la fixation de carbone à l'obscurité est relativement importante, notamment dans la zone profonde. En été, l'assimilation obscure représente généralement moins de 2 % de la photosynthèse ; la productivité moyenne est de 18,9 mg C/m3/ jour avec deux maxima (23,5 à 36,3 mg C/m3/jour) qui correspondent, le premier, au pic de phytoplancton, le second, à l'isothermie d'automne. Le coefficient d'activité du phytoplancton est élevé (0,143 mg C/mg de Poids frais/jour en moyenne) ; il augmente progressivement au cours de l'été, corrélativement à la diminution de la biomasse et du volume moyen des éléments du phytoplancton.
La productivité des lacs de faible profondeur est deux à quatre fois supérieure à celle du lac de Port-Bielh. Cette différence peut-être attribuée à leur constante homothermie qui favorise les échanges permanents entre la vase et l'eau. La composition et la densité du peuplement phytoplanctonique et sa productivité paraissent liées au régime hydrologique qui détermine l'évolution des composantes chimiques.
La lumière joue un rôle important dans la dynamique du phytoplancton de ces lacs d'altitude. Son atténuation par la glace et la neige empêche pratiquement tout processus d'assimilitation photosynthétique pendant les six mois d'hiver. Durant la période estivale, et par suite de la forte transparence des eaux, les phénomènes d'inhibition réduisent la photosynthèse. Dans le lac de Port-Bielh, cet effet est sensible jusqu'à 8 à 10 mètres de profondeur. L'analyse des profils verticaux de photosynthèse pendant l'isothermie d'automne et au cours d'une journée montre que la relation photosynthèse-lumière peut être décrite par une loi générale commune à tous les milieux aquatiques. La comparaison avec les lacs de faible profondeur et les relations entre la biomasse algale et le rapport P/B indiquent cependant que la lumière n'agit pas indépendamment des paramètres chimiques ; son effet et inhibiteur paraît d'autant plus prononcé que la disponibilité en sels dissous est faible. La productivité des lacs de montagne résulte sans doute de l'action conjuguée de ces deux facteurs, la température intervenant apparamment peu sur l'activité photosynthétique des algues.
Dans le lac de Port-Bielh, après la disparition de la glace, le développement du phytoplancton entraîne un appauvrissement en substances dissoutes. Les teneurs minimales, à la fin de la période de stratification thermique, correspondent à une diminution de la biomasse algale et de la productivité. Parmi les facteurs responsables de cette diminution, la faible teneur en CO2 libre paraît jouer un rôle important.
Il n'existe pas de correspondance étroite entre l'évolution de la productivité et celle de la biomasse algale. Dans le lac de Port-Bielh, la poussée de photosynthèse automnale n'entraîne pas une augmentation de la biomasse ou une diminution de l'indice de diversité. Pendant la stratification d'été, les fortes biomasses algales se forment à une profondeur supérieure à celle de l'optimum de photosynthèse journalier. Ces différences peuvent être attribuées à l'action du zooplancton dont la répartition verticale, la composition et la densité varient au cours de l'été.
Comparés avec d'autres lacs d'altitude et des lacs arctiques, les lacs du vallon de Port-Bielh se distinguent par une forte productivité estivale, voisine de celle de certains lacs mesotrophes alpins. Malgré une activité photosynthétique intense, la biomasse de phytoplancton reste cependant assez faible du fait de la courte durée de vie des organismes nannoplanctoniques qui la composent et de la prédation par le zooplancton.