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Une conquête de l'Histoire : l'Espagne d'Erasme

Published online by Cambridge University Press:  25 October 2017

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Depuis l'apparition en 1916 de la thèse de Mr Augustin Renaudet, Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d'Italie, — le gros livre de 900 pages que Mr Marcel Bataillon vient de publier, sous le titre d'Erasme et l'Espagne, est le premier ouvrage de fond qui, dans le domaine de ces études, puisse soutenir la comparaison avec ce « classique » fécond et novateur. Je ne saurais avoir pour lui de plus bel éloge. Et sans m'attarder davantage aux compliments que méritent et le talent de l'auteur, et sa finesse nuancée d'analyse, la sûreté, l'étendue, l'intrépidité de ses recherches, le courage même avec lequel il s'est jeté à corps perdu au milieu d'une histoire encore si peu connue — je voudrais, dans une étude qui, si longue soit-elle, sera de toute façon trop brève, marquer en quoi son livre renouvelle notre connaissance de l'histoire religieuse et intellectuelle du monde moderne, en quoi il élargit notre champ de vision et nous dote d'un chapitre inédit, mais capital, de cette histoire.

Type
Problèmes et Bilans
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1939

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References

page 28 note 1. Erasme et l'Espagne. Recherches sur l'histoire spirituelle du XVIe siècle. Paris, E. Droz, 1937, in-8°, LX-904 p.

page 28 note 2. Si bien morte qu'il y a quelques années, en 1924, un livre paraissait qui entendait restituer le sens et les secrètes démarches du mysticisme de Saint-Jean de la Croix. A l'index, on peut chercher le nom d'Erasme : il n'y figure point. Ou plus exactement les trois mentions qui sont faites de l'auteur de l'Enchiridion se rapportent à des événements purement fortuits.

page 29 note 1. Sur leurs sentiments persistants à l'encontre d'Erasme, il y a longtemps que j'ai invoqué le curieux témoignage de ce fidèle Erasmien que fut Gilbert Cousin, un des secrétaires de la vieillesse d'Erasme. Visitant les humanistes de la péninsule vers 1558, dans les bagages d'un jeune prélat, on le voit relire naïvement les oeuvres de son maître pour pouvoir mieux se défendre contre les sarcasmes de ses ennemis : « Jam tamen Erasmi Nosoponum relegere caepi, ut hoc hominum genus dignoscam ac taies confutem ineptias. » (L. Febvre, Un Secrétaire d'Erasme, Gilbert .Cousin et la Réforme en Franche-Comté dans Bull. Soc. Hist. Protestantisme Fr., 1907.) Je note, en passant, que Cousin était un zélateur d'Antoine de Lebrixa ; il en imprime trois homélies en 1958 à Bâle, chez Henri Pierre, à la suite de Caesarii Arelatensis homiliae XL ; B. N.., Inv. C. 2592.

page 30 note 1. Tel le jeune Carranza dans son couvent de San-Gregorio, aux environs de 1530 (Bataillon, ouvr. cité, p. 558).

page 30 note 2. Je parle d'une documentation d'ensemble. Il faut Jouer, au contraire, dans le détail, le soin avec lequel Mr Bataillon se préoccupe toujours d'identifier socialement, quand il le peut, les personnages qu'il rencontre sur son chemin. Une récapitulation serait de vif intérêt.

page 31 note 1. Lucien Febvre, Une question mal posée, Les origines de la Réforme française et le problème général des causes de la Réforme (Revue Historique, t. CLXI, 1929, p. 63 du tirage à part).

page 32 note 1. Sur sa fortune et sa survie jusqu'à nos jours, voir mon article de la Revue Historique déjà cité (p. 47 du tirage à p , n. 1). En 1878 encore paraissait à Paris, chez Palmé, en 4 vol. in-8°, Ludolplus de Saxonia, Vita Jesu Christi, Ex evangelio et approbatis ab ecclesia catholica doctoribus sedale collecta, curante G. Rigollot.

page 32 note 2. Sur tout oela, se reporter à la Bibliographie (708 articles) que Mr Bataillon a publiée en tête de son travail. Je n'y vois guère qu'un oubli et, si je le relève, ce n'est pas par humeur vétilleuse de critique, c'est parce que si vraiment Mr Bataillon n'a pas recouru à l'admirable Bibliographie Lyonnaise du Beaudrier, j'ai peur qu'il ne se soit privé (et notamment sur le commerce des livres imprimés en espagnol à Lyon et introduits ensuite par Toulouse en Espagne) d'une mine de renseignements tout à fait précieuse-. Mais qui nous donnera l'index des douze volumes déjà publiés du Baudrier ?

page 34 note 1. Y compris celle de l'Antitrinitarisme. — Trinité, le dogme auquel répugnaient entre tous, non seulement les Juifs, mais les Arabes. Et qui comptera parmi ses adversaires de premier rang, comme par hasard, l'Espagnol Servet.

page 34 note 2. Elle est d'autant plus importante à poser correctement et à fond, que l'objection se présente : « Mais; le Judaïsme est légaliste par essence et le Pharisaïsmo juif n'a-t-il point fait de la vie religieuse une vie toute de formalisme et de rituel » ? Ce qui demanderait un nouvel examen des rapports d'un certain légalisme et d'une vie intérieure développée. Tout cela nécessiterait une connaissance approfondie des milieux juifs d'avant et d'après la conversion. Du travail pour demain.

page 36 note 1. Sur ce point, voir les très intéressantes indications que donne Mr Marcel Bataillon (p. 58 et suiv.) sur cet illuminé, qui déjà avait attiré toute l'attention de Mr Renaudet. Son messianisme — qui choquait même les Espagnols par ses excès — est chose bien curieuse. Il fait le pont entre le messianisme espagnol, visé par Mr Bataillon et ce messianisme impérial des Allemands qui constitue l'un des éléments, et non négligeables, du milieu dans lequel s'est développé le luthéranisme.

page 37 note 1. Belle formule — dont je trouve la contrepartie sous la plume de mon vieux Gilbert Cousin, écrivant à Bomiface Amerbach, le 7 juillet 1547, à propos du Concile de Trente : « Vel caecis apparet quid actum sit in Tridentino Concilio ut in Ecclesia maneant mala simul cwn bonis. » L. F., ouvr. cité, p. 31, n. 1.)

page 37 note 2. Voir notamment la lettre de Bartol. Gattinara à Charles-Quint, en date du 8 juin 1537, pour lui demander ses intentions au sujet du gouvernement de Rome, « et si dans cette ville il doit y avoir quelque sorte de siège apostolique ou non ».

page 38 note 1. La question se pose aussitôt : comment l'Inquisition laissait-elle faire ? Mr Bataillon y répond1 de façon très pertinente (pp. 53o et suiv.). Il montre très bien que l'Inquisition d'Espagne, cette vaste machinerie bureaucratique qui vivait des confiscations de biens et des amendes, était infiniment redoutable aux personnes, mais les livres ne l'intéressaient guère en eux-mêmes. Elle était, d'autre part, orientée contre les nouveaux chrétiens — et les deux sortes d'hérésie qu'ils pouvaient favoriser, celle des illuminés, celle des luthériens. L'éramisme, puissamment protégé du reste jusqu'en 1530, n'était pas prévu.

page 38 note 2. En même temps qu'il l'exclut de son sujet même : « Le mouvement spirituel qu'on se propose d'étudier dans ce livre n'est pas né de l'acte révolutionnaire de Luther » (p. 2).

page 40 note 1. Elles ont d'ailleurs valeur d'explication et de sollicitations pour d'autres pays que l'Espagne. Il y a longtemps, et dès 1907, que j'ai été frappé de cette survie des états d'esprit fondamentaux de l'éramisme dans un milieu comme le milieu bâlois des Amerbach, où j'avais été introduit à la fois par Gilbert Cousin et par le beau livre, trop injustement oublié ou négligé, de F. Buisson sur Castellion. Mais il n'y a pas que Bâle, et j'essaierai de le montrer un jour.

page 41 note 1. Ainsi, deux temps : A) L'Erasmisme de l'Enchiridion. — Apres quoi : B) L'Illuminisme de la Foi sanctifiante — qui devient, après Erasme, la religion des conciliateurs. La « divine philosophie » qui en est l'âme, c'est toujours la Philosophia Christi d'Erasme. Mais son expression nouvelle, c'est le Salut par la foi. — A rapprocher, ce que dit Mr Bataillon des deux « Sommes » doctrinales qui se succèdent : le Dialogo de Doctrina Cristiana de Juan de Valdès, 1629 — et la Suma de Doctrina Cristiana de Constantino, i543. 1—- Entre les deux textes, quatorze ans d'écart. Mais le problème de la Foi a pris, dans le second, une importance vraiment tyrannique.

page 41 note 2. Jusqu'à l'avènement de Philippe II, 6euls les Colloques sont atteints par des mesures de prohibition : le 13 septembre 1537 (après, on le voit, la mort d'Erasme), une circulaire du Conseil de l'Inquisition les prohibe tant en latin qu'en vulgaire. Il faut aller ensuite jusqu'à l'Index de 1551 pour trouver une nouvelle prohibition d'Erasme. Elle ne vise que l'Exomologesis en vulgaire, et l'Ecclesiastes. En 1552 encore, les inventaires des Portonariis montrent qu'on vendait toujours en Espagne nombre d'cuvrages d'Erasme — même réputés dangereux (Mr Bataillon, p. 541).