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Aicha Macky, dir. Zinder. 2021. 82 et 52 min. Haoussa. France, Allemagne et Niger. Andanafilms. $7.00.

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Aicha Macky, dir. Zinder. 2021. 82 et 52 min. Haoussa. France, Allemagne et Niger. Andanafilms. $7.00.‡

Published online by Cambridge University Press:  16 October 2023

Aissata Sidikou*
Affiliation:
United States Naval Academy Annapolis, Maryland, États-Unis [email protected]
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Type
Film Review
Copyright
© The Author(s), 2023. Published by Cambridge University Press on behalf of the African Studies Association

Zinder (2021) est un documentaire d’Aicha Macky sur les quartiers de Kara-Kara (en haoussa, « le quartier bâti avec des tiges ») et de Toudoun Jamous, des bidonvilles de la ville historique de Zinder, à l’est du Niger. Kara-Kara est tristement connu pour avoir accueilli, il y a un peu plus de 50 ans, les lépreux, les aveugles, bref tous les déshérités de la ville coloniale de Zinder. Le film nous fait suivre la trajectoire de jeunes Zindérois qui, abandonnés par les autorités, vivent au bord de la vie. Pour ceux qui n’ont plus rien à perdre, le désespoir semble être la seule constante : la violence sur le corps humain masculin ou féminin est banalisée et normalisée.

Dans ce film brillant et rayonnant d’actualité, Aicha Macky s’interroge sur les problèmes qui poussent ces jeunes désespérés et malchanceux de tout bord à sombrer dans les dérives de la violence, du gangstérisme, de la prostitution, de la débrouille et du trafic d’êtres humains. Ce n’est pas la première fois que Macky investit ce genre de débat. Dans deux courts-métrages de 2012 et 2013, Moi et ma maigreur, qui porte sur la perception et la valeur du corps féminin, et Savoir faire le lit, un film qui exhorte à la séduction du corps féminin, elle abordait déjà les thématiques taboues du corps, de la sexualité, et de la violence, qui sont pour la cinéaste l’engrenage dans lequel les jeunes Nigériens sont piégés.

Macky expose la pérennité des formes de violence dans leurs différences et leur intensité. Cette thématique se retrouve non seulement dans et sur les corps, mais aussi dans le regard, le langage et l’espace sociologique de Kara-Kara et de Toudoun Jamous, le quartier des prostituées où « gagner sa vie est un vrai Jihad ». C’est une vie de chien que celle de Siniya Boy et ses pairs, qui s’inspirent des films venus du Nigeria et d’Amérique et dynamisent les Palais, imposant leur culture et leur force.

Les Palais abritent de jeunes désœuvrés qui, peu instruits et touchés par le chômage, la prostitution, le trafic d’êtres humains, bref, toutes les tares associées à la pauvreté, utilisent le corps comme moyen d’expression, d’expérimentation et d’évaluation de soi. Siniya Boy reconnaît d’ailleurs que c’est l’éducation qui fait la différence entre sa vie et celle de l’intervieweuse. Ainsi, pour lui, la force d’ITLEUR (Hitler, symbolisé par le drapeau nazi) incarne les valeurs et le système de pouvoir dominants dans les Palais. C’est un soutien et une alternative pour dégrader et détruire les corps.

La violence est normalisée dans ce film, comme elle l’est dans la réalité nigérienne où être un « mauvais garçon » permet aujourd’hui d’accéder à la célébrité, voire à la reconnaissance et à la fortune. C’est peut-être une des conséquences de l’impact des reality shows et autres phénomènes comme Nollywood, dans lesquels les agressions violentes de femmes sont des divertissements qui éclaboussent le pouvoir et ornent les réseaux en ligne de certains.

Zinder impose la culture d’« ITLEUR » qui permet aux jeunes hommes d’asseoir leur statut à travers leur pouvoir de destruction, tout en l’ôtant aux femmes, aux faibles et même aux autorités. Ainsi se propage le fascisme des Palais. En contrôlant les corps faibles, il se déploie en un lieu où les perspectives d’avenir semblent inexistantes.

À travers la caméra de Julien Bossé, le film évoque le besoin « activiste » de traiter les questions touchant à l’intersectionnalité axée surtout sur l’inégalité et la différence car elles s’imposent aujourd’hui comme prioritaires pour la jeune génération. Pour nombre d’écrivains, chroniqueurs, journalistes et membres d’ONG, la violence liée aux crises politiques, économiques et culturelles qu’engendrent les nouvelles réalités (drogue, terrorisme, dégradation des mœurs et surtout excès de brutalité envers les femmes) demeure un véritable cancer au sein de la société nigérienne, et ce malgré les nombreux débats et entreprises de sensibilisation sur le sujet.

Et c’est la particularité de l’expérience singulière de chaque individu, racontée à travers des voix, des histoires multiples et un environnement déprimant, qui donne de l’espoir à l’enfant inconnu qu’on aperçoit sur une colline surplombant la ville.

Il y a plusieurs moments où des voix multiples s’élèvent pour décrier l’horreur des viols impunis et d’autres violences commis par les hommes des Palais contre les femmes, car à la fin, ce sont toujours les femmes qui trinquent, dans une région où, même en temps normal, le joug du système patriarcal demeure féroce.

Tout au long du film, Bawa, le chauffeur de taxi, réalise que la violence ne lui apporte aucun bénéfice substantiel du point de vue économique, social ou culturel. Ainsi, grâce à une ONG, il abandonne l’univers cruel du gangstérisme et se met en quête d’une vie libérée et responsable.

Macky est perçue comme une activiste car son travail met en avant des phénomènes socioculturels d’envergure qui minent les jeunes, le pilier de la société nigérienne. La dédicace du film en dit long sur son projet.

Ces jeunes ne luttent pas uniquement pour créer des Palais. Ils essaient aussi de créer des alternatives possibles. Ils soulèvent des questions importantes, malgré leur ignorance et leur vision parfois déformée de ce qui se passe autour d’eux : ainsi, Hitler, d’origine américaine, est un héros. Certains, comme Américain, Cash Money, et surtout Ramses, un intersexué, ont soif de vivre et cherchent à bâtir un avenir sain et sécurisé pour leur famille, leur communauté et pour eux-mêmes. Dans la ville animée et dynamique qu’est Zinder, le film constitue un espace pour ces jeunes où réimaginer et recréer un monde où la dégradation humaine cesse d’être normalisée.

Une voix s’élève, celle d’Aicha Macky, femme vaillante et défenseure des droits humains dans le chaos patriarcal : Zinder n’est pas uniquement un film sur la justice sociale mais aussi et surtout un chant ayant une grande portée, un chant sur la justice humaine.

Footnotes

This film review has been updated since its original publication. A notice detailing this change can be found here: https://doi.org/10.1017/asr.2024.30.