Published online by Cambridge University Press: 07 December 2011
The proliferation and overlapping of spiritual beings is a feature of many religions. Saints in popular Catholicism and Vishnu's avatāras in Hinduism represent, in different ways, the possibility of spiritual beings that are simultaneously one and many, clusters or series of manifestations whose inner relationships are often not fully explained. Yoruba òrìṣà are in good company. However, the way in which multiple aspects of gods are made and maintained clearly varies from one religious repertoire to another. I suggest that it is important to look at the means or medium by which fractions of gods are established, in order to understand how the relationships between them are conceived. Yoruba òrìṣà can scarcely be apprehended without taking into account the specific textuality of the oral genres through which they are created, maintained and communicated with.
Orík, les femmes, la multiplication et la fusion d'òrìṣà
Le monde spirituel des Yoruba est densément peuplé par des divinités extrêmement différentes les unes des autres et fortement caractérisées, mais présentant aussi des aspects contradictoires et des tendances à la multiplication et à la fusion avec d'autres entités spirituelles. De telles variations sont compréhensibles dans le contexte de la structure sociale Yoruba qui accorde une place prédominante aux «hommes forts» capables d'acquérir une position de leader en recrutant compétitivement leurs supporters. Les òrìṣà, comme les hommes forts, forment le centre d'un groupe de fidèles dont l'objectif est de renforcer la réputation de leur patron plutôt que de l'intégrer à un schéma consensuel global. La «cosmologie» de chaque culte se centre sur son propre òrìṣà et agence les autres entités spirituelles de façon à augmenter la présence de cet òrìṣà. Le lien intime et réciproque entre les croyants et l' òrìṣà favorise la multiplication de fragments d'òrìṣà permettant à chaque croyant ou petit groupe de croyants de posséder sa «propre version» de l'être spirituel. Mais comme le centralisme de cette relation religieuse implique un engagement intégral et sans compromis, chaque òrìṣà doit tout représenter pour ses fidèles, induisant ainsi le partage et la fusion des aspects spirituels de la divinité.
La problématique peut être portée plus avant si nous examinons le médium à travers lequel les multiples personnalités de l'òrìṣà sont imaginées et évoquées. Bien que les études se soient exclusivement consacrées à l'ìtàn (récit) pour caractériser l'òrìṣà, le médium essential est en fait l'oríkì (éloge versifiée). C'est en effet dans les oríkì que les fidèles nouent leur lien intime, intense et réciproque avec l'òrìṣà. Dans les oríkì, la concrétisation de la personnalité de l'òrìṣò est la plus complète et les divers fragments ou manifestations d'un òrìṣà y trouvent leur expression la plus développée. Les orìkì sont fluides, éclectiques, incorporables; leur textualité permet d'accomplir pleinement les opérations intellectuelles nécessaires à la construction de l'univers religieux fluide. C'est seulement en considérant les ìtàn comme des suppléments au mode de l'orìkì, plutôt que l'inverse, que les contradictions—remarquées par les études les plus anciennes du système religieux Yoruba—trouvent leur place en tant qu'accomplissements, et non pas comme des négligences malheureuses que l'érudit doit classifier dans l'espoir de découvrir un consensus global et unique. La cosmologie Yoruba n'est pas celle d'une unité, mais celle de la multiplicité des routes qui mènent à travers différents champs de ressources symboliques. Comme les femmes sont les principaux gardiens de la tradition orìkì, leur rôle en terme de communication et de dépassement des limites est un élément central du fonctionnement des cultes.