
La Chanson des Nibelungen, un monde sans Dieu?
Published online by Cambridge University Press: 31 March 2023
Summary
Dans son article « Réflexions sur le Nibelungenlied », Jean Fourquet attirait l’attention sur « l’absence du surnaturel chrétien, que ce soit sous la forme de l’intervention divine dans le cours des événements, ou de l’influence, sur les décisions des héros, de leur qualité de chrétiens, de l’idée de leur salut » (283) et il ajoutait que, pour lui, « l’absence de l’ordre de la grâce [était] essentiellement une loi du genre, déterminée par la fonction de cette poésie destinée à la distraction des cours » (283). Il ne fallait absolument pas en conclure que « le [Nibelungenlied] reflèterait la vie d’une société dont Dieu et l’expérience religieuse profonde était [sic] absents » (” Sur une nouvelle étude » 291). En effet, « [l]’absence de Dieu dans une grande oeuvre littéraire n’implique pas nécessairement … son absence dans la vie de l’auteur et dans le monde où l’auteur puise son expérience. Tout ce qui est supérieur à la nature humaine est seulement ‘mis entre parenthèses’, ausgeklammert » (” Sur une nouvelle étude » 292). Je vais reprendre cet aspect de l’oeuvre sur nouveaux frais en me bornant aux points essentiels et en comparant à l’occasion la Chanson des Nibelungen à la Thidrekssaga, une oeuvre qui vraisemblablement est la traduction en vieux-norrois de la source de la Chanson dans une vaste compilation en prose norroise de récits ayant trait à Dietrich.
Il est dans la Chanson des Nibelungen un personnage parfaitement chrétien, c’est Ruedeger; Rodingeir, le personnage qui lui correspond dans la Thidrekssaga, ne l’est pas: c’est donc le rédacteur-narrateur de la Chanson qui aura remodelé Ruedeger, qui est appelé « vater maneger tugende » (” père de toutes les hautes qualités », 2202,4); il est foncièrement bon, désintéressé, altruiste, pour lui le problème essentiel est d’effectuer la synthèse entre gotes und der werlt hulde, c’est-à-dire de satisfaire aux exigences de l’honneur héroïque d’ici-bas et à celles d’une instance supérieure dans l’au-delà. Son comportement de vrai chrétien se révèle quand, au moment où Kriemhild lui rappelle le serment qu’il lui a prêté à Worms de la servir jusqu’à leur mort à tous deux et lui enjoint de lui prêter maintenant son aide, il lui répond: « Je ne le conteste aucunement: je vous ai juré, noble femme, que pour vous je risquerais l’honneur et aussi la vie.
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- The Court ReconvenesCourtly Literature across the Disciplines: Selected Papers from the Ninth Triennial Congress of the International Courtly Literature Society, University of British Columbia, Vancouver, 25-31 July 1998, pp. 81 - 90Publisher: Boydell & BrewerPrint publication year: 2002
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- Cited by