Le terme Gaoga, qui figure fréquemment au centre des cartes anciennes de l'Afrique, se retrouve dans un seul texte, la ‘description de l'Afrique’, du diplomate marocain, Léon l'Africain, publiée en italien en 1550 par Ramusio. Relevant de fréquentes confusions avec la ville de Gao sur le Niger, certains africanistes en tirent la conclusion hâtive que le voyage de Léon se serait limité aux pays du Niger. Selon eux, le reste des notes ne ferait que reproduire des récits de caravaniers, plus ou moms fantaisistes. Pierre Kalck, ancien administrateur français, auteur d'une thèse de doctorat ès lettres sur l'histoire des règions qu'il a administrées, estime au contraire que le voyage de Léon du Bornou en Egypte fut bien effectué et qu'il a existé un Etat du nom de Gaoga, semblable aux grandes entités politiques africaines de l'époque. Il fait d'abord le point sur les hypothèses formées par ceux qui refusent la thèse simpliste d'une confusion Gao-Gaoga. Pour Barth, Gaoga était le nom, non d'une contrée, mais déune dynastie boulala installée à Yao (Yaoga) sur le lac Fitri. Pour Carbou, le Gaoga n'était autre que le Kanem, séparé du Bornou—Modat rappelait cependant que, d'après les notes mêmes de Léon, il ne pouvait s'agir que d'une région montagneuse: le Dar Zagaoua au nord du Darfour. Palmer voyait dans le Gaoga un pays situé sur l'oued Batha et peuplé par des réfugiés nubiens. Kaick se réfère, non seulement au passage spécialement consacré au Gaoga par Léon, mais aux mentions éparses, et parfois déformées, dans le reste du texte publié par Ramusio. Il établit que Léon, après avoir quitté le Bornou, a gagné le Darfour par la piste dite du treizième parallèle, puis a rejoint Assiout en haute Egypte par l'antique route caravanière dite des quarante jours (Darb al Arbaïn) qui passe par l'oasis de Kharga. Scion lui, le Gaoga, fondé au quinzième siècle par des réfugiés nubiens, s'étendait, lors du passage de Léeon vers 1512–1514, sur une superficie qui comprenait l'est du Tchad (Ouadaï, Salamat, Rounga), l'ouest du Soudan (Darfour) et le nord-est de la République Centrafricaine (Fertit). Le Ouadaï est encore aujourd'hui appelé Kouka (corruption de Gaoga) par les Teda du nord et ce terme de Kouka est conservé par un groupe ethnique du Tchad. Citant la découverte par Arkell, à Aïn Fara et à Ouri dans le Darfour, de vestiges nubiens chrétiens, Kalck estime que céest dans cette région montagneuse qui constituait l'ancien Gaoga que se trouve la solution de bien des énigmes de l'histoire de l'Afrique Centrale. Le texte de Léon, aussi bref soit-il, apparaît comme un premier fil conducteur.