Selon la conception moderne de l'ordre social, l'œuvre générate d'assistance aux homines qui souffrent relève avant tout des Etats. Eux seuls assument le sort des êtres confiés à leurs soins. Le pouvoir implique des devoirs. Au surplus, seuls les Etats disposent de l'autorité nécessaire et des ressources suffisantes pour faire face à des tâches d'une telle ampleur.

Parfois, en temps de guerre, on tente de rendre la Croix-Rouge responsable du sort de certaines victimes — détenus politiques, prisonniers dépourvus de garanties juridiques, par exemple — comme si on lui reprochait leur malheur même. Rien n'est plus injuste. Ceux qui ont une telle attitude cherchent, le plus souvent, à se disculper ou à détourner des griefs. Si les Puissances s'arrogent le droit de faire la guerre, elles doivent aussi en supporter toutes les consequences.

Au seuil de notre étude, nous avons établi une distinction importante. Elle consiste à discerner, dans la doctrine de la Croix-Rouge, deux grandes catégories de règies : les principes fondamentaux, d'une part, et les principes organiques, de l'autre.

En faisant précéder déune brève introduction le texte même du Projet, le Comité international de la Croix-Rouge a désiré mettre en évidence les raisons profondes et le but de cette nouvelle réglementation. Il n'y a done pas lieu de répéter ici ce qui a déjà été exprimé. Tout au plus convient-il de préciser certains points.

Le CICR rappelle que les Conventions de Genève risqueraient de rester inopérantes si les belligérants ne «rencontraient aucune limitation dans le choix des moyens et méthodes de combat». «Comment, disait-il déjà, dans son appel d'avril 1950, des armes aveugles pourraient-elles épargner les hôpitaux, les camps de prisonniers de guerre, la population civile?».

Sous cette rubrique, nous traiterons successivement trois notions: le recrutement indiscriminé, le multitudinisme au sens strict et l'organisation démocratique.

Le principe du recrutement indiscriminé figurait déjà dans les premières «conditions de reconnaissance» des nouvelles Sociétés de la Croix-Rouge, établies à la fin du siècle dernier. Dans la récente version de ce texte, il a pris la forme suivante: «ne pas refuser d'accueillir dans son sein ses nationaux quels qu'ils soient, pour des raisons de race, de sexe, de classe, de religion ou d'opinion politique». De même, on lit, dans les principes de la Ligue: «les Sociétés de la Croix-Rouge sont des organismes… accessibles à tous», et «il est indispensable… que chaque Société fasse en sorte que tous les citoyens puissent en devenir membres».