Les événements en Afghanistan consécutifs à l’intervention militaire américaine d’octobre 2001 sont perçus par nombre de commentateurs et de journalistes dans une continuité historique et à l’aide d’une grille d’analyse prête à l’emploi : celle de tribus indociles contestant un État central faible dont le contrôle ne s’étendrait guère au-delà de la capitale. Deux régimes auraient tenté de briser cette continuité en imposant un État central fort parce qu’idéologique : les communistes, de 1978 à 1992, et les Taliban, de 1996 à 2001. Mais l’Afghanistan serait retourné à ses vieux démons : ceux des « seigneurs de la guerre», des tribus rebelles et des conflits ethniques. Or cette vision, qui fait quelque peu partie du sens commun sur un pays brièvement très médiatisé, n’est pas corroborée par une analyse de l’histoire du XXe siècle. Aucun Afghan ne conteste aujourd’hui le fait de l’État central ; mais l’État afghan reste très tributaire de l’aide internationale, et l’accroissement spectaculaire du trafic de drogue peut bouleverser la donne, en créant une masse de ressources en dehors du contrôle de l’État, et qui pourrait, dès 2005, dépasser le budget de l’État.