Au long de quel travail, socialement inscrit, historiquement déroulé, s'opèrent l'appropriation d'un poste par des individus et l'appropriation d'individus par ce poste, qui font qu'ils peuvent dire, si pleinement parfois, « j'en ai fait mon métier »? C'est la question directrice de Francine Muel-Dreyfus, dans un livre novateur, important sous son enveloppe modeste, et qui traite de deux cas apparentés et contrastés : le métier d'instituteur des années 1880 à 1914, celui d'éducateur spécialisé dans les années 1970.
Qui ne savait que la IIIe République avait répandu sur la France l'armée de ses instituteurs publics, pourvus par elle d'une fonction, d'une mission et d'une image, que l'opinion aussi s'en faisait alors une image tranchée (et discordante), et que de nombreux titulaires de ce métier l'avaient si bien « incarné » ? Et nos contemporains ont pu remarquer naguère, aux environs de 1965, que le métier d'éducateur auprès des jeunesses- à-problèmes était devenu voyant, et suscitait discours signalétiques et jugements — quitte à avoir noté avec surprise, humeur ou ironie des propos qui tout ensemble valorisaient le « travail social » et le dénonçaient comme une forme de quadrillage et de remise en ordre.