Dans les autres cités des Francs, il y a tous les
ans trois jours insignes, où les évêques, s'adressant
au menu peuple, disent : « Les juifs vous ont
volé votre religion et, pourtant, les juifs vivent
chez vous, dans votre propre pays ». Aussitôt les
gens du peuple et le reste des habitants se ruent à
la poursuite des juifs, et lorsqu'ils mettent la main
sur l'un d'eux, ils le tuent. Ensuite ils mettent à
sac toutes les maisons où il peuvent pénétrer.
Tel est le tableau que brosse le polémiste musulman Ahmad ibn Idris al- Qarâfï, mort en 1285, pour qui ce rituel annuel d'agressions contre les juifs illustre parfaitement le vice chrétien de l'intolérance. Ce phénomène, du temps même d'al-Qarâfî, n'avait rien de nouveau : on signale des agressions du même ordre à Toulouse en 1018, et à Béziers, en 1161, un accord visant à abroger la « coutume ». Cecil Roth les fait même remonter à l'Antiquité. Antiques, peut-être, mais en tout cas promises à un bel avenir. Sous une forme folklorique, en effet, le rituel pascal de « la mise à mort des juifs » se perpétue jusqu'à nos jours, dans diverses régions d'Europe. Ainsi, à Tortosa, à l'époque moderne, matâjudiets, la mise à mort des juifs, s'inscrivait dans la liturgie du Vendredi saint : les enfants ponctuaient l'office par des chahuts et le tintamarre de bâtons cognés contre le sol.