Cet article examine la relation entre l’irrigation et l’État égyptien antique. En dépit de la persistance de la théorie de la «bureaucratie hydraulique» développée par Engels, Marx et Weber, et de ce que l’on appelle «l’hypothèse hydraulique» de Karl Wittfogel, il n’y a pas de preuve permettant d’établir un lien entre le système d’irrigation et une forme de gouvernement «despotique» en Égypte antique. L’idéologie du contrôle centralisé doit être soigneusement distinguée de la nature diffuse du contrôle de l’eau. Durant la plus grande partie de son histoire, l’exploitation de la terre, en Égypte, a été organisée dans des bassins inondables, et l’irrigation suivait le rythme annuel des crues et des décrues. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle de notre ère, avec le concept d’un État mercantiliste, et la construction des barrages et déversoirs, la culture de rapport du coton et de la canne à sucre, que l’irrigation permanente est devenue courante. L’irrigation artificielle est connue depuis les débuts de l’État unifié (environ 3100 avant J.-C.) mais, jusqu’à l’époque romaine, son utilisation était limitée. Cette interprétation générale de la relation entre irrigation et État a des conséquences importantes pour la compréhension de l’intervention ptolémaïque en Égypte. En dépit de la planification centrale antérieure et du modèle étatiste des Ptolémées, l’économie agraire, comme cela avait été le cas auparavant, était à cette période plus réactive que planifiée, et elle se fondait sur la structure administrative locale pour taxer la production agricole.