Le connu, c'est l'habituel, et l'habituel est ce qu'il y a de plus difficile à
« reconnaître », c'est-à-dire à considérer en tant que problème, donc en tant
qu'étranger, que lointain, que « situé hors de nous ». La grande assurance dont
les sciences naturelles font preuve (…) tient au fait qu'elles prennent la réalité
étrangère pour objet : tandis qu'il y a quelque chose de presque contradictoire
et d'absurde à vouloir prendre pour objet ce qui n'est pas étranger.
Nietzsche Le gai savoir, § 355Entre science et art, l'histoire est constamment tiraillée. Parfois, on essaie de résoudre cette tension en tirant l'art, et en particulier la fiction, vers le scientifique, parfois, en insistant sur le côté artistique de la science, parfois, en la qualifiant de faux débat. Mais comment éviter une tension inscrite dans l'ambiguïté de la notion même d'histoire : enquête-récit. Pourquoi l'éviter, d'ailleurs, alors qu'elle s'est maintes fois révélée féconde dans la définition de la discipline ? On l'affrontera à travers l'expérimental. L'expérimental participe de la définition même de la science moderne, depuis Bacon et Galilée. L'art expérimental est en revanche un phénomène caractéristique du vingtième siècle. Et l'histoire expérimentale ? Est-elle possible, souhaitable ? Pencherait-elle vers l'expérimental littéral, scientifique, ou vers l'expérimental métaphorique, artistique ? Au lieu de trancher dans le vif, on propose ici de puiser dans ces deux sources, en assumant les contradictions qu'un tel choix implique.