Les circonstances de la colonisation et l'héritage puritain se sont conjugués pour faire du mythe de l'Amérique — recherche de la Nouvelle Terre Promise, rêve d'un Eden nouveau de pionniers — une idée clef de la civilisation américaine. Sur le plan littéraire, elle constitue, depuis le XIXe siècle, comme un point de repère auquel les écrivains confrontent incessamment la réalité, y voyant d'abord la réalisation du rêve, puis, de plus en plus souvent, son effondrement. C'est ce qui explique la prépondérance dans le roman américain, surtout au XIXe siècle, du genre « romance » qui, sous sa forme apparemment fantastique ou moralisante, constitue en réalité une prise de position symbolique par rapport au mythe de l'Amérique. Moby Dick n'échappe pas à cette règle. Nous nous proposons de montrer dans cet article, par une analyse détaillée du texte, que le chef-d'oeuvre de Melville peut être interprété sous cet angle, étant bien entendu qu'il ne s'agit là que d'une dimension de cette oeuvre polyvalente.