Ces lignes de Valéry Larbaud proposent à la critique une tâche considérable, utile assurément, mais des plus délicates. Nulle question en effet n'a soulevé plus de controverses que la notion d'influence en littérature. Or, de tous les noms que cite Larbaud, celui de Baudelaire est l'un des plus fréquemment mentionnés par Proust, qui a également consacré un article à l'auteur des Fleurs du Mal. Il est donc légitime de penser qu'une étude de cette nature pourrait jeter un jour supplémentaire, non seulement sur la personnalité et sur l'œuvre de Proust, mais encore sur celles de Baudelaire lui-même. De nombreuses questions se présentent immédiatement à l'esprit: Proust a-t-il fait à Baudelaire des emprunts directs? A-t-il trouvé chez lui des vues sur le monde et sur l'art semblables à ses propres conceptions? Baudelaire est-il à l'origine de l'esthétique proustienne? L'auteur du Temps retrouvé n'a-t-il au contraire tiré de l'œuvre de son prédécesseur qu'un encouragement à la dépasser et à affirmer son originalité propre? S'est-il borné notamment à juger que certaines audaces de Baudelaire justifiaient les siennes? Sans prétendre apporter une solution à tous ces problèmes, l'on peut examiner les analogies existant entre la vie et le caractère des deux hommes et étudier, d'après les textes, ce qui, dans l'œuvre de Baudelaire, semble avoir plus particulièrement attiré l'attention de Proust. Peut-être alors sera-t-on mieux en mesure de préciser la nature de l'influence du poète sur le romancier.