Une modification de la position théorique collective des Annales, ne serait-ce qu'à cause de l'influence qu'elles ont exercée dans le domaine de la recherche historique, est un événement digne de retenir l'attention des historiens. Le pouvoir des Annales a été à la fois intellectuel et institutionnel. Leur réputation sur le plan intellectuel s'est construite à l'origine grâce aux innovations méthodologiques et historiographiques de leurs fondateurs, Marc Bloch et Lucien Febvre, que vinrent renforcer les travaux d'une seconde génération de praticiens avec, entre autres, Fernand Braudel, Ernest Labrousse, Jacques Le Goff, Jean Meuvret, Pierre Goubert, Emmanuel Le Roy Ladurie. Mais le pouvoir des Annales n'a jamais tenu uniquement à l'aura des réalisations de leurs représentants les plus doués. Pour le monde extérieur ces historiens, par leur attachement à l'École des Hautes Études ou à la Maison des Sciences de l'Homme, ont généralement été perçus comme les membres d'une « école ». Concentrés géographiquement et institutionnellement, animés par un puissant esprit de corps et d'appartenance à un lignage intellectuel et universitaire, ils constituent le groupe le plus important et le plus soudé de chercheurs en histoire rémunérés sur fonds publics que l'on puisse trouver dans le monde.