Cet article prend comme point de départ la question qui traverse le Saint Louis de Jacques Le Goff, « Saint Louis a-t-il existé? », et le statut accordé à la Vie de Saint Louis de Joinville, qui lui permet d’y répondre positivement. Ce texte apparaît en effet le plus souvent chez les historiens et les critiques littéraires comme une sorte de « Mémoires », soit un témoignage fidèle dépourvu de toute ambition hagiographique ou littéraire autre que celle de rapporter les gestes et les paroles du roi tels que son auteur les a vus ou entendues. Mais peut-on s’en tenir là? L’analyse du récit consacré au débarquement du roi à Damiette et la comparaison avec d’autres descriptions de cette même scène nous invite à mettre en doute l’exactitude des détails rapportés par Joinville. N’y aurait-il là, toutefois, qu’un peu d’exagération romanesque sans véritable conséquence? Cet épisode répond cependant à la revendication formulée dans le prologue de cette œuvre selon laquelle Louis IX aurait mérité d’être reconnu comme martyr et pas seulement comme saint. Mais plutôt que de mourir en Terre sainte lors de sa première croisade, Saint Louis serait remonté de l’enfer afin d’accéder, au sein du royaume de France, à une fonction royale pensée sur le modèle christique. Raison pour laquelle Joinville se serait opposé à la seconde croisade du roi. À quoi répond cette Vie de Saint Louis où le témoignage de Joinville est pris dans une perspective qui fait de ce dernier davantage qu’un simple mémorialiste, l’auteur de la vie exemplaire d’un roi-martyr mort et ressuscité afin de mener son peuple en cette nouvelle terre promise qu’est devenue la France.