On considère généralement que les enfants autistes développent peu de conduites d’imitation et il s’agit d’ailleurs d’un des critères diagnostiques classiques. On connaît notamment leurs difficultés spécifiques constatables dans les formes différées d’imitation, comme le jeu de faire semblant et le jeu social d’imitation, et leur indifférence manifeste à toute situation les éloignant de leurs objectifs immédiats. Il s’avère pourtant qu’ils se montrent ultérieurement capables d’imiter et d’utiliser l’imitation pour s’adapter. Alors qu’ils semblent durablement ne pas se préoccuper de l’opinion d’autrui et construire leurs désirs sans médiateurs sociaux, il arrive souvent qu’à l’adolescence se déclare ce besoin de se calquer sur d’autres érigés en modèles absolus. Alors que pendant longtemps, les personnes Asperger ne se montrent aucunement sensibles aux effets de mode et ne se fient qu’à leurs propres jugements, celles qui témoignent de leur parcours décrivent souvent l’émergence secondaire d’un profond souci de normalité plus que d’originalité, les amenant à copier l’apparence, les attitudes, les inflexions de la voix de ceux qui leur donnent le sentiment d’avoir parfaitement confiance en eux. Elles sont généralement conscientes de leur aspect caméléon et peuvent se soumettre à un entraînement intensif pour s’exercer et mettre en application leur apprentissage des normes sociales les plus reconnues. Elles n’en éprouvent aucune gêne et s’enorgueillissent plutôt des résultats obtenus. Par ce mimétisme délibéré, elles se livrent ainsi à une forme caricaturale de « désirabilité sociale », mais peut-on considérer que s’agit-il alors d’un accès tardif à un désir mimétique au sens où l’entend R. Girard ? La question mérite d’être posée.