Pourquoi et dans quelle mesure les pensées de Pascal peuvent-elles paraître à la fois si vivantes et si présentes, mais à certains égards si lointaines? A une époque où la multiplication des formes de la violence nous interdit à la fois de nous évader dans le beau rêve d'une Cité de Dieu et de trouver un sens clair à l'histoire des hommes, et où triomphent plus que jamais, en même temps, le dogmatisme et le sentiment de la futilité, il est intéressant d'examiner les pensées de Pascal précisément parce que Pascal, le plus fortement peut-être de tous les penseurs politiques, nous montre comment et pourquoi la vie politique est en même temps et surtout indissolublement futile et sérieuse; tout l'intérêt du problème—et son caractère tragique—venant précisément du fait qu'il est impossible, selon Pascal, de sortir du cercle vicieux du sérieux et de la futilité. Ce n'est pas parce que vous passerez, nous dit Pascal, d'une monarchie à une République, ou d'une République à une autre République, que les choses passeront du futile au sérieux ou du sérieux au grotesque; vos opinions peut-être changeront, car la concupiscence et l'imagination vous égarent—ou servent vos passions—mais pas la nature, l'essence de la vie politique. Urbi et Orbi, l'homme ne change pas, et la politique vaut ce que vaut l'homme, c'est-à-dire rien, ou peu de chose.