En présence d'une population isolée et réduite — par excellence, une population insulaire — dont tous les membres se proclament plus ou moins « cousins », la tentation est grande pour le chercheur de déchiffrer le tissu parental d'une telle société en établissant les liaisons des individus les uns aux autres, au travers de chaînes généalogiques s'étendant sur un maximum de générations, et en définissant ainsi un « objet » historique qui relie population présente et population passée. Lorsque de surcroît cette population insulaire est métissée, issue de deux stocks geniques initiaux, et qu'elle se situe dans une région du monde où les traits physiques servent de signes sociaux et d'indicateurs hiérarchiques, la restitution des généalogies acquiert un supplément d'importance : elle peut en effet contribuer à la connaissance du processus biologique de miscégénation où se confrontent les groupes de départ ; elle peut surtout, en raison de la liaison intime entre « race » et statut, permettre d'accéder à ce lieu privilégié où l'histoire biologique incarne en fait une histoire sociale... Ainsi s'est développée une bonne part de notre problématique, lors de l'étude de la population de la petite île de Terre-de-Haut des Saintes, dans la Caraïbe.