À la fin du xviiie siècle, la monarchie hispanique imagina de nouvelles solutions pour gouverner ses territoires compris entre le Sud de l’Amazonie, le détroit de Magellan et la cordillère andine. Peuplées de cultivateurs et d’éleveurs, ces immenses régions rurales restaient mal connues des autorités. Pourtant, parmi les réformes conduites en Amérique par Charles III – notamment l’adoption du système de l’intendance –, aucune n’abordait de front l’administration des campagnes, une question importante pour deux raisons. Premièrement, la majeure partie des habitants du Río de la Plata vivait à la campagne. Deuxièmement, les longues distances séparant ces territoires des villes où étaient fixées les représentants du pouvoir monarchique (Santa Fe, Buenos Aires ou Madrid) constituaient un défi de taille pour les autorités chargées de gouverner ces populations. L’abandon d’une analyse surplombante au profit d’une approche au ras du sol, attentive aux dynamiques locales, permet d’éclairer le fonctionnement de ces espaces éloignés des centres politiques de la monarchie. À travers une analyse microhistorique d’une série de transformations institutionnelles survenues dans la province du Río de la Plata, cet article montre comment des individus gouvernés réussirent à prendre part au gouvernement de leur territoire. La mobilisation de leurs réseaux leur permit de créer des institutions et une communauté politique locale.