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Malthusianisme et protestantisme : « un modèle démographique weberien »

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Alfred Perrenoud*
Affiliation:
Département d'Histoire Économique Université de Genève

Extract

C'est en Suisse, dans le Pays de Vaud, que T. R. Malthus estime avoir trouvé la meilleure compréhension et la plus parfaite illustration de son « principe de population ». Lors du court séjour qu'il y fit, il rencontra un paysan qui, écrit-il, « me parut comprendre le principe de population à peu près aussi bien qu'aucun de ceux avec qui j'ai eu occasion de m'en entretenir ». Pour cet homme, « la misère et la faim, qui dévorent la plus grande partie des habitans, ne découragent pas les autres de se marier et de mettre au monde des enfans qu'ils ne peuvent nourrir. Cette habitude de se marier de bonne heure, ajoutoit-il, pourroit être appelée le vice du pays.

Type
Histoire et Sexualité
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1974

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References

1. « La situation de la Suisse est, à divers égards, si différente de celle des autres États de l'Europe ; les faits qu'on a recueillis sur ce pays-là sont si curieux et si propres à éclaircir les principes exposes dans cet ouvrage, qu'il convient de traiter à part ce sujet et de l'envisager avec une attention particulière » (T. R. Malthus, Essai sur le principe de population, Traduit de l'anglais par P. Prévost, Paris, 1809, t. II, p. 25).

2. Malthus, op. cit., pp. 54-55.

3. Malthus, op. cit., p. 54.

4. L'observation est intéressante, elle montre que l'influence à court terme de l'industrialisation sur la population était clairement ressentie, le développement du bien-être pendant une période de prospérité cyclique entraînant une hausse de la natalité (Malthus, op. cit., p. 56).

5. S. A. Tissot ouvre par cette affirmation son Avis au peuple sur sa santé, publié à Lausanne en 1761.

6. J. L. Muret, Mémoire sur l'état de la population dans le Pays de Vaud, Société oeconomique de Berne, 1766, I.

7. Loys de Cheseaux, Essai sur la population du Canton de Berne, particulièrement du Pats de Vaud, Société oeconomique de Berne, 1766, III, 90.

8. La critique du mémoire de J. L. Muret a été faite par E. Olivier, « Le Pays de Vaud se dépeuplait-il au XVIIIe siècle ? », Revue d'Histoire Suisse, 1938, pp. 16-97.

9. Le rapport des baptêmes au nombre des habitants serait dans le Pays de Vaud de 1 à 36 (27,8 %o). Natalité évidemment très faible, les taux bruts enregistrés dans les populations pré-malthusiennes se situant entre 35 ‰ et 55 ‰.

10. Muret, op. cit., p. 48.

11. F. d'Ivernois, « Enquête sur les causes patentes ou occultes de la faible proportion des naissances à Montreux », Bibliothèque Universelle, Genève, mai 1837, pp. 4-44. Dans un précédent numéro de la Bibliothèque Universelle (septembre 1835), d'Ivernois avait analysé les registres de la paroisse de Montreux (Vaud) pour les années 1832, 1833 et 1834. Entre le mémoire de Muret et ses propres calculs, la natalité a passé de 25,8 ‰ à 21,8 ‰ et la mortalité de 23,8 ‰ à 13,3 ‰.

12. D'Ivernois, op. cit., p. 8.

13. C'est nous qui soulignons (d'Ivernois, op. cit., p. 11).

14. Wrigley, E. A., Société et Population, Paris, 1969, p. 92.Google Scholar

15. D'Ivernois, op. cit., p. 13.

16. Wrigley, op. cit., p. 160.

17. Olivier, loc. cit., p. 93.

18. En l'absence de données sur le célibat définitif, une incertitude subsiste. Dans certains cantons suisses, des restrictions au mariage pour motifs économiques étaient assez largement répandues au XVIIIe siècle, certains cantons restreignant l'accession au mariage de leurs ressortissants indigents pour éviter leur prolifération et les charges qui s'ensuivaient pour la communauté. Il ne semble cependant pas, à ma connaissance, que ce fut le cas pour le pays de Vaud.

19. Olivier, loc. cit., p. 81.

20. On peut consulter entre autres l'article de M. Lachiver, « Fécondité légitime et contraception dans la région parisienne », Sur la population française aux XVIIIe et XIXe siècles (Hommage à Marcel Reinhard), Paris, 1973, pp. 383-401.

21. Sauvy, A., Malthus et les deux Marx, Paris, 1963, pp. 1314.Google Scholar

22. Sur les problèmes de limitation des naissances, voir : H. Bergues et Divers, La prévention des naissances dans les temps modernes, Paris, i960, Cahier n° 35 de l'I.N.E.D.

23. R. Andorka, « La prévention des naissances en Hongrie dans la région d'Ormansag depuis la fin du XVIIIe siècle », Population (1), 1971, pp. 63-78, et « Un exemple de faible fécondité légitime dans une région de la Hongrie », Annales de Démographie Historique, 1972, pp. 25-53.

24. E. A. Wrigley, « Family Limitation in Pre-Industrial England », The Economie History Review, vol. XIX, 1966.

25. Cité par Bergues, op. cit., p. 49. Il s'agit selon Marie Carmichael Stopes, Contraception (birth control), its theory, history and practices. A Manual for the médical and légal professions, Londres, 1927, 480 p., d'un ouvrage ayant pour titre : Populaidias (1655) or a Discourse Concerning the Having Many Children in which the Préjudices against having a Numerous Offspring are Removed, and the Objections Answered, Londres, 1695.

26. Thèse en préparation.

27. M. Andrey, La population du Vully de 1760 à 1870, Ed. universitaires, Fribourg (Suisse), 1969, série Mémoires de licence, 108 p.

28. A. Seydoux, La population de Charmey de 1761 à 1875, Ed. universitaires, Fribourg (Suisse), 1969, série Mémoires de licence, 128 p.

29. J. Dupâquier et M. Lachiver, « Sur les débuts de la contraception en France ou les deux malthusianismes », Annales E.S.C., n° 6, novembre-décembre 1969, pp. 1391- 1406.

30. On peut, comme le relèvent les inventeurs de la méthode, discuter des limites choisies pour classer les couples. Dans un milieu urbain où la mise en nourrice est largement pratiquée, il aurait été peut-être préférable de resserrer les intervalles et de considérer comme contraceptives les familles qui ont un quotient supérieur à 36 mois. J'ai néanmoins conservé ici la même division afin de permettre une comparaison avec Meulan. On voit ainsi que Genève a près de soixante-quinze ans d'aVance sur le comportement meulanais.

31. L. Henry, Anciennes familles genevoises, Paris, 1956, Cahier n° 26 de l'I.N.E.D., 282 p.

32. Cl. Lévy et L. Henry, « Ducs et pairs sous l'Ancien Régime », Population, octobredécembre 1960, et T. H. Hollingsworth, « A Démographie Study of the British Ducal Families », Population Studies, vol. XI, London, 1957.

33. Ph. Ariès, CI Deux contributions à l'histoire des pratiques contraceptives », Population, octobre-décembre 1954, P- 683-698.

34. On pourrait encore mentionner deux études qui vont dans le même sens : J. Hou-Daille, « La population de Remmesweiler en Sarre aux XVIIIe et XIXe siècles », Population, novembre-décembre 1970, pp. 1183-1191, et G. Bollon, préface Pierre Chaunu, « Minorités broyées et malthusianisme : Saint-Sylvain, Falaises et Saint-Pierre-sur-Dives au xvne siècle », Bulletin de la Société d'Histoire du Protestantisme Français, octobre-décembre 1970, pp. 489-508.

35. Voir les réflexions de Pierre Chaunu, La civilisation de l'Europe des Lumières, Arthaud, 1971, 665 p., pp. 134-135, ainsi qu'un article très suggestif du même auteur : « Malthusianisme démographique et malthusianisme économique. Réflexions sur l'échec industriel de la Normandie à l'époque du démarrage », Annales E.S.C., n° 1, janvierfévrier 1972, pp. 1-59.

36. A. Sauvy, op. cit., p. 51.

37. Il y a quelques exceptions. Un exemple : Philippe Dutoit-Mambrini qui publie à Lausanne en 1760, De l'onanisme ou Discours philosophique et moral sur la luxure artificielle et sur tous les crimes relatifs, cité par Bergues, op. cit., p. 266. On y relève cette phrase : « Mais que des personnes opulentes, riches ou aisées sans intention de soumettre la chair veuillent sans vouloir… c'est là un crime qui était réservé à nos temps. »

Les Puritains ont daVantage publié sur ces questions. Voir à ce sujet l'article de R. Schnuker, « La position puritaine à l'égard de l'adultère », Annales E.S.C., n° 6, novembre-décembre 1972, pp. 1379-1388.

38. D'Ivernois, op. cit., p. 10.

39. R. P. Thomas Sanchez, Disputationum de sancto matrimonii sacramento, Tomi très, Anvers, apud Martinum Nutium, 1607, 2 vol., 838 p.

40. Jurieu écrit : « Peut-être avez-vous ouï parler d'un gros volume fait par Thomas Sanchez… il contient plus d'impuretés que tous les livres italiens les plus infâmes » (P. Jurieu, Histoire du calvinisme (…) ou apologie pour les Réformateurs (…), Rotterdam, 1683, cité par E. Helin, dans Bergues, op. cit., p. 244.

41. J. Benedicti, La Somme des péchez et le remède d'iceux, comprenant tous les cas de conscience et la résolution des doubles (…) traité très utile aux ecclésiastiques, aux Prestres, Curez, Confesseurs, Prédicateurs et Penitens (…), Paris, 1604.

42. En 1619, le Franc archer de la vraye Eglise vitupère : « Les dames quittent souvent les amours de Ronsard et d'Amadis pour empoigner la Somme de Benedicti, cordelier. Aussi voit-on chez tels hostes les soubresauts de lubricité mieux qu'en Rabelais […]. Est-ce à faire aux Prestres de mettre leurs nez dedans les courtines du mariage, ou d'estre les secrétaires […] de tout ce qui se passe en la bordelerie ? », cité par Helin, dans Bergues, op. cit., p. 250.

43. Voir la contribution de Ph. Ariès dans Bergues, op. cit., pp. 311-327.

44. Helin, loc. cit., p. 243.

45. Ph. Ariès, Histoire des populations françaises et de leurs attitudes deVant la vie depuis le XVIIIe siècle, Paris, 1948, 569 p.

46. A. Bieler, L'homme et la femme dans la morale calviniste, Genève, 1963, 160 p. Voir également du même auteur : La pensée économique et sociale de Calvin, Genève, 1959, 562 p.

47. Bieler, La pensée économique…, p. 188.

48. Bieler, L'homme et la femme…, p. 51.

49. Bieler, La pensée économique…, p. 188.

50. Ibid.

51. Cité par Bieler, L'homme et la femme…, p. 61.

52. Pour saint Augustin : « Le commerce que des personnes mariées ont ensemble n'est jamais péché, lorsqu'il se fait pour engendrer des enfants, mais quand il se fait pour satisfaire la concupiscence, pourvu que ce soit avec la femme ou avec son mari, le péché n'est que véniel, à cause de la foi du lit nuptial » […] « Le mariage n'oblige point à cet excès, mais il fait qu'on l'excuse… », cité par Bergues, op. cit., p. 203.

53. Cité par Bergues, op. cit., p. 204.

54. Bieler, L'homme et la femme…, p. 148.

55. Ibid.

56. Ibid., p. 38.

57. J. Cordier, La famille sainte, où il est traité des devoirs de toutes les personnes qui composent une famille, 1643, Paris, cité par Bergues, op. cit., p. 217.

58. Bieler, La pensée économique…, p. 230.

59. Bieler, L'homme et la femme…, p. 92.

60. Comm. Psaumes, Psaume 127, 3, cité par Bieler, L'homme et la femme…, p. 92.

61. Cité par Bergues, op. cit., pp. 227-228.

62. Voir à ce sujet W. Bickel, Bevôlkerungsgeschichte und Bevôlkerungspolitik der Schweiz, seit dem Ausgang des Mittelalters, Zurich, 1947, 333 p., pp. 224-239.

63. J. Wolf, « Geburtenfrequenz und Religion in der Schweiz », Neue Zùrcher Zeitung, 1912, nos 829, 887 et 907 des 12, 22 et 26 juin.

64. C. Brûschweiler, « Konfession, Geburtenzahl und Katholisierung in der Schweiz », Neue Zùrcher Zeitung, 1912, n° 952 du 5 juillet.

65. Voir à ce sujet M. McLuhan, La Galaxie Gutenberg, Marne, Paris, 1972, 344 p.

66. Ariès dans Bergues, op. cit., p. 322.

67. M. Lachiver qui l'a fait pour la région parisienne trouve une certaine corrélation à Anet, tandis qu'à Flins et Suresnes, les différences sont peu sensibles. Lachiver, « Fécondité légitime et contraception… », loc. cit., pp. 397-398.

68. L. Stone, « Literacy and éducation in England, 1640-1900 », Past and Présent, n° 42, February 1969, pp. 69-139 ; M. Sanderson, « Literacy and social mobility in the industrial révolution in England », Past and Présent, n° 56, August 1972, pp. 75-104.

69. Hoffet, F., L'impérialisme protestant, Paris, 1948 Google Scholar. En Suisse, le classement des cantons par le Conseil fédéral, fondé principalement sur des données fiscales, le montre parfaitement. Les cantons financièrement forts sont tous, à une exception près (Zoug), des cantons d'influence protestante. Les cantons financièrement faibles, tous, sans exception, des cantons catholiques.

70. A. Burguière, « De Malthus à Max Weber : le mariage tardif et l'esprit d'entreprise », Annales E.S.C., n° 4-5, juillet-octobre 1972, pp. 1128-1138.

71. E. A. Wrigley, Société et Population…, op. cit., p. 113.