Les protocoles du test de frustration de Rosenzweig de vingt et un sujets présentant un phénomène de Raynaud ont été analysés, dans le cadre d’une investigation psychodynamique effectuée à l’occasion d’une hospitalisation pour bilan étiologique et sans aucune sélection préalable. Par la suite, 13 des 21 sujets ont été considérés, d’après des critères physiques cliniques et paracliniques, comme des Raynaud primitifs (RI) et 8 comme des Raynaud secondaires (RII), le plus souvent d’origine sclérodermique. L’âge moyen des RII est plus élevé. L’investigation psychodynamique a été effectuée dans la méconnaissance mutuelle du diagnostic étiologique de la part du patient (à l’exception de 2 cas) et de l’investigateur.
Les résultats évoquent plusieurs différences dans le maniement de l’agressivité en situation de frustration et dans les stratégies de gestion des conflits, entre les RI et les RII. Les premiers extériorisent plus difficilement leur agressivité et ont recours plus fréquemment que les RII à des comportements d’esquive, se montrant plus passifs, plus conciliants mais aussi plus culpabilisés dans une situation de conflit. Les seconds paraissent plus à l’aise pour extérioriser leur agressivité et se montrent tendus vers la recherche d’une solution aux problèmes posés, tout en manifestant plus d’irritabilité que les RI devant la situation frustrante. En revanche, malgré une attitude globalement conformiste, leurs réponses ne concordent pas suffisamment avec les reponses “banales” de la population d’étalonnage ; en outre, l’extériorisation de l’agressivité chez les RII est bloquée lorsqu’elle menace directement le personnage frustrant, surtout si ce dernier joue un rôle parental interdicteur (rôle “surmoïque”). Les diverses attitudes défensives ne sont liées ni à l’âge ni à la durée d’évolution de la maladie chez les RI, alors que les RII extériorisent d’autant plus volontiers leur agressivité que leur maladie évolue depuis longtemps ; cette modification pourrait se faire au prix d’une vulnérabilité accrue face au stress et contribuer ainsi à la survenue d’une affection plus grave, à type de sclérodermie.