La mélancolie ou « folie calme » de Pinel a perdu depuis les années 80, son caractère de maladie autonome. Actuellement dans le DSM, elle désigne seulement une caractéristique des états dépressifs. Pourtant ce terme renvoie à un concept psychopathologique particulier dont la connaissance permet une meilleure compréhension de la maladie et une meilleure approche des patients. Nous mettrons ce concept à l’épreuve de la clinique chez trois patients ayant été hospitalisés pour un épisode mélancolique suite à une accusation de vol. Deux de nos patients ont présenté un syndrome délirant à thématique de persécution. Chez l’un d’eux, l’évolution s’est malheureusement faite vers le suicide. Nous essaierons à travers les vignettes cliniques de faire le point sur le rôle du narcissisme dans la psychopathologie de la mélancolie. En effet, chez nos trois patients, l’accusation de vol représente un événement traumatisant venant ébranler la relation à l’objet. Le moi appauvri en libido et fragile, s’identifie à l’objet frustrant afin de le préserver et le protéger de sa haine et de son activité destructrice. Il procède ainsi à une régression narcissique au stade oral tardif. Mais le moi ayant incorporé l’objet se trouve en conflit avec une autre instance qui est le surmoi. Ce dernier par sa fonction culpabilisante permet au mélancolique de se défendre contre l’incapacité du moi à être conforme à son idéal. Dans notre contexte culturel, le surmoi se trouve être plus collectif qu’individuel. Devant la perte de l’objet, l’introjection laisse la place à la projection de la haine sur un objet extérieur faisant émerger le délire de persécution. Enfin, quand l’identification à l’objet devient totale, les mouvements agressifs envers l’objet sont alors dirigés vers le moi aboutissant au non réparable qu’est le suicide.