La perspective phénoménologique voit dans le trouble mental la manifestation des fondements, et dans la création artistique, l’expression des aspects les plus essentiels de l’expérience humaine : la souffrance du génie ne saurait-il pas mieux témoigner des ressorts nécessaires à la conduite heureuse du quotidien ? Le bonheur se dit aussi en musique et le lien du sonore, de l’harmonie et de la profondeur, pour détenir la puissance évocatrice de l’émotion originaire, peut en coûter au plan existentiel et dans son appel violent, défaire tout autant la musique que le musicien. Genèse d’une musique populaire célèbre pour notre génération, l’invention du Pink Floyd par Syd Barrett [2] contient cette leçon de vie où à trop vouloir déconstruire pour le bonheur de tous, l’artiste se défait lui-même, offrande douloureuse au destin magnifique des génies. Dans une tentative « ante-festum » extrême et périlleuse d’arrêter le temps par la musique, dans sa distorsion et sa déconstruction même, dans l’excès des artifices les plus dangereux pour y conduire [1], il inaugure l’aventure des expérimentations psychédéliques et en même temps sa propre fin, 30 ans de retrait autistique au terme d’une année d’une fécondité exceptionnelle. Affleurent en négatif les secrets de la patience existentielle [3] seule à même de conjuguer l’ordre et la mesure, sagesse anthropologique que cruellement l’art, et même celui de la conduite de la vie la plus ordinaire, invite continûment à dépasser. C’est au génie le plus personnel de chaque patient que s’adresse la question vitale en psychiatrie.