Pour notre discipline, fondée sur la compréhension psychopathologique de l’expression de la souffrance, la médecine par la preuve impose une modification de notre pratique de terrain, et de recherche. Son application est sujette à controverse idéologique. Le nombre d’essais randomisés contrôlés augmente. Cependant, malgré les efforts académiques pour réaliser ces projets de recherche, encourager les cliniciens à la formation, la pratique fondée sur la preuve ne rencontre pas le succès attendu [2]. La standardisation du jugement clinique est difficile à concilier avec la démarche clinique implicite basée sur l’écoute intuitive et l’apprentissage théorique de la connaissance du fonctionnement psychique. De plus dans notre discipline, la clinique est complexe, comorbide et liée à l’environnement. Le concept « cas moyen standardisé » semble inadapté selon de nombreux cliniciens. Enfin, si les études randomisées et contrôlées sont reconnues comme une « méthode scientifique objective » [1], elles présentent des biais méthodologiques [3]. Cependant, l’augmentation de la demande de soin, de l’incidence des pathologies graves, la diminution de la démographie médicale psychiatrique plaident en faveur de la nécessité d’une offre de soin plus « secure », mieux contrôlée. L’augmentation des offres psychothérapiques, de la prescription de psychotropes impose éthiquement de maîtriser précisément la prescription, ses indications et son suivi. La question est, comment conserver, la richesse, de la compréhension clinique du cas unique, de la diversité des pratiques tout en l’alliant à une pratique plus sécurisée ? Il est nécessaire d’adopter une voie médiane, qui accepte les résultats scientifiquement incontestables tout en conservant la qualité de l’écoute dans la relation clinique, au risque que la pédopsychiatrie française devienne comme l’autruche dans le film de Buñuel.