Pour l’approche phénoménologique, l’expérience du corps, de soi-même comme de celui de l’autre, fonde l’identité humaine et son enjeu, la subjectivité [1]. Ce que confirme la pathologie psychiatrique dans la description des modalités de désarticulation entre deux corps. Le corps objet, corps-que-j’ai, est chose unique et provisoire, possession au destin de finitude et dont on énumère abondamment les embarras. Le corps sujet, corps-que-je-suis, est « chair », unité vivante et disponibilité relationnelle – dans les corps de travail, corps de repos, corps de plaisir, corps sexuel…, corps pluriel multiforme qui assume les changements d’une position d’existence à l’autre, dont on vérifie la fragilité en termes de perte de rôles. Cette distinction de l’avoir et de l’être se reprend avec Paul Ricoeur [2] pour qui l’identité humaine apparaît comme la synthèse permanente entre deux termes : l’idem et l’ipse. L’idem, le même comme identique, est persistance de la substance, stabilité de la structure, le caractère, le passé. L’ipse, l’unique, l’unité, émergence du sujet, est fidélité à soi, permanence de la promesse de la parole tenue, identité mémorielle et promissive, le futur. Sous ce format méthodologique, on peut voir les troubles psychiatriques comme des troubles fondamentaux de l’identité se manifestant par une disjonction idemipse et par la disproportion de ces déterminants et diverses tentatives de rééquilibration : la dépression caractérisant la suprématie rigide de l’identité idem absorbant l’ipse, la manie et plus généralement le délire témoignant à l’inverse de l’émancipation excessive de l’ipse étouffant l’idem, les schizophrénies traduisant la dislocation idem-ipse et des efforts compensatoires et insatisfaisant de leurs raccords. Cette perspective dégage diverses recommandations thérapeutiques précises [3], relatives à l’aménagement des tensions entre le Soi et ses rôles, entre l’identité egoïque et la tendance hypernomique, soulignant la fragilité de l’appropriation egoïque des conduites.