Selon les chiffres produits par les études d’épidémiologie psychiatrique utilisant les classifications psychiatriques contemporaines, en particulier le DSM, le trouble obsessionnel compulsif (TOC) est le quatrième trouble psychiatrique le plus fréquent, touchant 2 à 3 % de la population. Les traitements de première intention, considérés comme efficaces et « validés » (selon les standards méthodologiques de l’Evidence Based Medecine), sont d’une part des médicaments (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine), d’autre part des thérapies cognitives et comportementales (TCC) [1]. Comment ce genre de thérapie a-t-il acquis une telle légitimité scientifique ? Quelles sont les implications, concrètes, d’une telle « déclaration d’efficacité » ? L’objectif de cette communication est de comprendre le processus de fabrique d’une TCC innovante (définie par l’adjonction d’un outil psychopédagogique informatisé à une TCC classique) pour soigner les patients atteints de TOC. Cette fabrique est décrite au cours d’un récit ethnographique d’une étude menée dans une équipe de « big-neuroscience », s’appuyant sur une méthodologie de participation observante inscrite dans une démarche de sociologie des sciences. Le processus de fabrique d’une thérapie apparaît comme étant façonné par des catégories diagnostiques, des méthodologies de (méta)-évaluation, une rhétorique statistique, des contraintes technologiques, éthiques, réglementaires, administratives qui s’accumulent et se valident mutuellement pour définir les contours d’espaces de possibles dans la production de savoirs scientifiques. Il apparaît que « la fabrication des faits, comme le jeu de rugby, est un processus collectif » [2] à une échelle planétaire. La description de cette fabrication et des positions de chacun des joueurs donne à voir l’espace structuré de pensée dans lequel ils se trouvent pris, et avec lequel ils produisent leurs résultats, raisonnements et thérapeutiques. Cette nouvelle perspective offre des opportunités d’analyses de second ordre sur les dispositifs de production du savoir, dont nous espérons de nouvelles possibilités de découvertes.