Au cours des cent années qui se sont écoulées depuis la publication du livre de J. J. Bachofen, Das Mutterrecht (1861), le concept de matriarcat, que cet auteur présentait comme une phase nécessaire et universelle de l'histoire des sociétés humaines, a subi une sorte de démembrement, rendu nécessaire par la connaissance plus approfondie des sociétés primitives que nous devons à l'ethnographie. Les systèmes dits matrilinéaires, dans lesquels la descendance se fait par ligne féminine, ne sont plus considérés comme la manifestation, dans un cas particulier, d'un phénomène plus général, et presque absolu dans le passé, de suprématie féminine, et l'on n'a plus recours à l'hypothèse d'une telle suprématie pour donner une solution d'ensemble aux problèmes que pose l'organisation sociale préhistorique. Cependant, dans le champ plus restreint des études classiques (c'est avant tout dans l'antiquité que Bachofen puisait ses preuves, et les récits des voyageurs contemporains n'y jouaient qu'un rôle secondaire), la situation n'a pas changé de façon aussi radicale. Mis à part une minorité d'érudits qui s'accrochent à des schémas évolutionnistes dépassés, il reste un solide noyau de témoignages où l'on s'accorde à voir la preuve qu'il a existé, dans diverses régions du monde grec, des formes anormales d'organisation familiale.