Il est un domaine de l'anthropologie qui est encore fort peu exploré et par suite fort mal connu, c'est celui des ‘possessions’. Littré, après avoir donné tous les divers sens de ‘possession’, arrive, tout à la fin de sa liste, à ce onzième sens: ‘Terme de liturgie. État d'une personne qui est actuellement sous le pouvoir du diable, et dans le corps de laquelle il habite réellement.’ L'étude psychologique des anormaux nous a amenés à élargir considérablement la signification de ce terme. Nous savons qu'il existe tout un ensemble de faits surprenants, dans la vie des malades mentaux paranoiaques, où l'esprit se trouve, ou croit se trouver, sous l'influence d'un autre esprit. A la suite d'une rupture d'équilibre de l'état mental, sous l'influence d'émotions incontrôlables, l'individu perd conscience de lui-même et se met à parler comme un autre individu, parfois dans des langues qu'il paraissait méconnaître entièrement à l'état normal. Que ces manifestations étranges soient accompagnées d'états épileptiformes, en relation avec ce que les médecins appelent le ‘petit mal’ ou non, l'individu apparaît comme ‘possédé’, il est virtuellement sous l'empire d'un autre esprit. L'explication scientifique de ces cas de dédoublement partiel ou entier de la personnalité humaine est encore relativement peu avancée, et mon but ici n'est pas d'en apporter une nouvelle, mais de décrire purement et simplement le phénomène des possessions, tel qu'il se présente parmi les indigènes bantous, et en particulier parmi les Thonga et les VaNdau. C'est un sujet si intéressant pour la psychologie et la psychiâtrie, que les conséquences des faits décrits ici peuvent être utiles aux anthropologues, aux psychologues et aux médecins.