L'Histoire de Grasse au moyen âge (1155-1482), qu'on doit à Mme Gauthier-Ziegler, s'étend de la première mention des consuls dans un acte authentique jusqu'au passage de la cité sous la Couronne.

Jusqu'à la fin du Xe siècle, l'histoire grassoise nous échappe complètement. A cette date, la ville passe aux mains de seigneurs locaux. Mais, dans la première moitié du XIIe siècle, ils vont trouver des ennemis dans les évèques d'Antibes, qui s'établissent à Grasse. Au cours de cette période séculaire, la communauté s'organise et, vers son achèvement, elle conclut même avec les cités italiennes des traités politiques et commerciaux. Les seigneurs laïques ont perdu tout pouvoir.

Ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé de philosophie et soucieux d'éviter les chemins battus, Mr Jacques Soustelle, s'il avait eu vingt ans en 1900, aurait fait sa médecine pour nous donner ensuite une thèse valable de psychologie pathologique ; ou bien, sans quitter Paris et ses bibliothèques, il eût composé, en lisant beaucoup de vieux livres, quelque savante thèse de sociologie économique ou religieuse sur des primitifs d'Australie qu'il n'aurait jamais vus. Comme il eut vingt ans vers 1930, il a fait tout autre chose. II s'est laissé attirer par ces études d'ethnographie qu'ont rendu séduisantes des influences diverses — celle de notre maître Lucien Lévy-Bruhl, celle du grand animateur qu'est Paul Rivet, celle de Mauss également, incarnation vivante d'une sociologie qui tout de même évolue — plus peut-être qu'elle ne le croit. Il est parti, à deux reprises, en mission au Mexique.

Le Centenaire de l'Algérie avait provoqué toute une série, pas encore achevée, d'excellentes publications. L'Exposition de 1937, celle de Paris bien entendu, aura eu des conséquences analogues pour les études algériennes, sur un plan évidemment plus modeste. Elle nous vaut la réédition de la brochure de Mr E. Albertini sur l'Afrique Romaine, la publication d'un bon guide sur Cuicul, d'excellentes photographies, un livre intéressant consacré par Mr J. Berque à l'art et au passé de l'Algérie, enfin l'ouvrage le plus important du lot pour nos études, celui où Mr René Lespès avec netteté, concision, des chiffres bien choisis et les richesses que donne une longue connaissance du pays, présente un bilan de l'Algérie 1937. Le lecteur trouvera à son gré, dans ce volume, le renseignement précis, les illustrations parlantes, ce qu'il faut savoir de la production, des routes, des cadres physiques, humains, administratifs, pour comprendre, comme le dit le titre, l'Algérie d'aujourd'hui.

Il existe, en marge du vaste bloc des civilisations occidentales, divers petits groupes dont l'original destin fut d'échapper à quelques-uns des principaux courants qui ont façonné le reste de l'Europe. Parce qu'ils n'ont pas joué un rôle de premier plan sur l'échiquier politique, leur étude jusqu'ici est demeurée généralement en dehors des préoccupations de la « grande » histoire. Nul doute qu'au contraire, le jour où la notion d'expérience historique sera définitivement incorporée à nos méthodes, ces sociétés d'exception ne deviennent, de la part d'une science rénovée, l'objet de l'intérêt le plus vif. Par les particularités de leur structure, elles constituent, en effet, un merveilleux réactif des influences mêmes qu'elles n'ont pas subies. Tel est, entre autres, le cas de la Sardaigne médiévale.

Mrs Ed. Poncelet et Em. Fairon viennent de commencer la publication d'une Liste chronologique des actes concernant les métiers et confréries de la cité de Liège. Dans la « cité ardente, qui fut jadis le foyer le plus rayonnant de la démocratie belge, les corporations de métiers ont façonné à la fois la vie politique, économique, sociale et privée de nos aïeux ; le régime corporatif conditionne l'évolution de toutes les institutions urbaines ». Les archives liégeoises ont éprouvé des pertes très importantes, mais il reste encore un grand nombre de pièces dispersées dans des fonds divers, en particulier dans le « fonds des échevins » : c'est, en effet, « devant ces derniers que les métiers faisaient mettre leurs statuts en garde de la Loi, enregistrer les actes relatifs aux biens et portaient leurs procès ».

La Suède est entrée plus tardivement que la plupart des autres pays d'Occident dans le cercle de « l'économie internationale ». Cependant l'histoire de l'ancienne économie du pays ne manque pas de saveur ni d'originalité. Pour la première fois, nous allons pouvoir l'étudier, grâce à un ouvrage aux vues très larges de Mr E. F. Heckscher.

Disons-le tout d'abord : on ne peut guère trouver de livre d'histoire dont la lecture soit plus captivante. Et il en faut rapporter avant tout le mérite à l'auteur : son style est vif, son plan original ; par principe, il ne retient des faits que ceux-là seuls qui, du point de vue de l'économie théorique, lui semblent dignes d'être connus ; il ne se laisse pas, comme certains de ses prédécesseurs, absorber par l'intérêt particulier de chaque source.

Au livre de Mr Georges Friedmann qui porte ce titre, j'ai pris un particulier plaisir. Souple, nuancé, vivant, à égale distance de l'apologie aveugle et de la critique dénigrante — inspiré sans doute par une sympathie très active pour l'U. R. S. S. et ses réalisations, mais dicté par un grand souci de constatation objective — il a le mérite d'être l'oeuvre d'un homme qui ne s'est point borné à cueillir, au cours d'une randonnée rapide, quelques « visions » de Russie propres à donner créance — j'entends aux yeux des simples — à des conclusions à la fois livresques et théoriques sur l'U. R. S. S. Il est le fruit de plusieurs longs séjours au pays de Lénine, de contacts prolongés avec les travailleurs comme avec les intellectuels de là-bas — et, faut-il dire, de contacts fructueux, puisqu'ils étaient ceux d'un homme qui comprend et qui parle le russe.