Un congrès tenu à Toulouse en juillet 1933 a suscité la publication de nombreux travaux sur le canal des Deux Mers. Le problème a été examiné sous toutes ses faces et les auteurs sont pratiquement d'accord. Sauf sur un point toutefois : les uns assurent que « le canal paiera », d'autres affirment le contraire. Nous voudrions, à notre tour, nous faire une opinion sur le sujet. Quelle méthode adopter, quelles démarches intellectuelles pratiquer ? Se le demander, c'est placer cette étude dans le cadre d'une revue d'éducation critique, à côté de plusieurs autres qui l'ont précédée.

Otto Back poursuivit son activité jusqu'en 1906 ; il eut le temps de mettre au point certaines de ses réformes et de commencer la construction du port du Rhin. Son successeur à la municipalité, Rodolphe Schwander, avait débuté par l'étude des problèmes sociaux : auteur d'une thèse de doctorat en droit sur « la politique d'assistance aux indigents en France », il avait — ce qui n'était pas une nouveauté chez nous — soutenu le droit des malades au libre choix des médecins, et, par exemple, préconisé, au cas où une ménagère tomberait malade, l'aide d'employées de confiance pour les travaux domestiques. 11 remplit d'abord les fonctions d'adjoint.

« Technique » : à plusieurs reprises déjà, il nous est arrivé de prononcer ici ce mot. Ce fut toujours pour demander que, dans nos études, on fît, aux vivantes réalités qu'il recouvre, leur place légitime. Or il n'a pas qu'un sens purement matériel. Mettre en scène le paysan sans l'imaginer aussitôt, comme aux « quatrefeuilles » dé nos cathédrales, la faucille ou le fléau en main ; sur les métiers des manufactures filles de Colbert, refuser de voir la trame et la chaîne, vain académisme sans doute. Mais également vaine la fiction qui, du portrait du marchand, effacerait le livre de comptes ouvert sur la table, et, derrière l'homme, les casiers pleins de lettres ou de billets : les bons peintres, au XVIe siècle, ne s'y trompaient point. Les affaires ont leur technique ; indispensable à l'intelligence de l'économie, son examen ne l'est pas moins à une juste mesure des variations de la mentalité.

Quant aux conditions humaines, elles comportent une triple étude : le cadre historique ; — la population et les immeubles ; — la maison dans le milieu urbain. Nous envisagerons, d'abord, les première et troisième subdivisions pour lesquelles un simple exposé suffit. Nous aborderons ensuite la deuxième qui, en raison de son importance et de ses particularités, requiert de plus amples développements.

Vous n'êtes pas historien. Et voilà que vous tombez sur un lot de documents qui représentent le legs historique, le testament d'archives d'une grande Chambre des Comptes du XVe siècle : la Chambre des Comptes de Paris, tout simplement. Plein de curiosité et de curiosités — celles-là mêmes d'un homme qui vit et, vivant, réfléchit à la vie — que dites-vous, en vous frottant les mains ?

D'abord ceci, j'imagine, ou à peu près ceci : « Bonne aubaine ! Je vais donc savoir comment on comptait au XVe siècle. Car enfin, j'ai beau ne pas être historien, je sais bien qu'on n'a pas toujours compté de la même façon. Et ceci va assez loin. La façon de compter s'explique sans doute par l'état de l'arithmétique dans un pays ou un groupe de pays (savoir calculer, science de commerçant ; or le commerçant, par définition, ne reste pas confiné dans les limites d'un seul pays) ; elle s'explique aussi par le régime économique d'une époque, et en même temps elle explique ce régime.

Publié d'abord en suédois, l'ouvrage de Mr Eli F. Heckscher sur le mercantilisme vient d'être traduit en allemand, — non sans quelque gaucherie peut-être, autant qu'un Français ose en juger. Une édition anglaise est annoncée. Ainsi, désormais accessible à un public étendu, cette « somme », dessinée à larges traits, va pouvoir prendre dans la littérature historicpe la place qui lui revenait de droit. Il ne servirait à rien d'en tenter ici une analyse qui serait nécessairement à la fois très sèche et très incomplète. Mieux vaut, sans doute, s'attacher à en saisir les thèmes fondamentaux et indiquer, en même temps, quelques-unes des observations qu'elle a le mérite de suggérer, en grand nombre.

Mr Robert Schnerb a présenté à la Sorbonne comme thèses de doctorat deux ouvrages qui se complètent l'un l'autre : d'une part, une importante monographie de près de 700 pages sur Les contributions directes à l'époque de la Révolution dans le département du Puy-de-Dôme, enrichie de cartes et de graphiques ; de l'autre, un substantiel Recueil de textes et de tableaux relatifs à la patente à l'époque de la Révolution dans le département du Puy-de-Dôme, lui aussi orné de cartes mais dont le titre modeste a un défaut : au rebours de tant d'autres, il promet moins que l'ouvrage ne donne.

Voici deux volumes consacrés à l'histoire de l'industrie charbonnière en Grande-Bretagne, deux gros volumes solides et pleins, appuyés sur une documentation nouvelle et originale que l'auteur recueillit en de nombreuses archives publiques et privées. Ils appartiennent à cette excellente race d'ouvrages, à la fois approfondis et lumineux, qui sont la production propre de l'école anglaise d'histoire économique. Et nous pouvons ajouter : et d'histoire sociale, car ces savants ne séparent jamais dans leurs études la production des producteurs. C'est une manière fort compréhensive qui, même dans le passé, nous entraîne en plein mouvement et en pleine vie.

Une Histoire de Russie1 vient de paraître, oeuvre collective dirigée par le maître historien de la civilisation russe, Mr Paul Milioukov, sous le patronage de Mre CH. Seignobos et L. Eisenmann, et qui groupe, autour d'une élite de savants russes émigrés, des étrangers, spécialistes de la Russie, de la qualité de l'éminent ethnographe de Prague Mr L. Niderlé et du géographe Mr Camena d'Almeida. Elle paraît au moment où l'un de ses principaux collaborateurs, A. Kizevetter, ancien Professeur à l'Université de Moscou et Professeur à l'Université de Prague, vient d'être emporté par la maladie. Grande perte pour la science historique russe, déjà mise en deuil par la mort, au début de l'année, de Serge Platonov, interné à Samara dans la pire misère matérielle et morale. Aussi convient-il d'abord de saluer la mémoire de ces deux hommes, qui jusqu'au bout, malgré l'exil et les proscriptions, consacrèrent leur vie à l'étude de la Russie.

Mr Louis-Maurice Jouffroy nous avait déjà procuré un judicieux Aperçu du développement du réseau ferré en Europe de 1830 à 1848. Il opposait à l'inaction française les résultats très brillants obtenus à cette dernière date en Belgique et en Allemagne. Par suite d'une conception a priori : celle d'un réseau centralisé au départ de Paris — il n'existait encore rien qui parût annoncer les lignes les plus indispensables : Paris-Marseille et Paris-Strasbourg. Déjà le transit était détourné du Havre vers Anvers et de Marseille vers Trieste.

Ces deux volumes consacrés à l'histoire de l'Australie et de la Nouvelle- Zélande appartiennent à la monumentale histoire de l'Empire britannique, entreprise par la « Cambridge University Press », œuvre de premier choix que la diligence et le soin de ses éditeurs a déjà poussée jusqu'à la moitié de son exécution. Le volume I (The Old Empire) parut en 1929 ; le volume VI (Canada et Terre-Neuve) en 1930 , les volumes IV et V (Inde), un peu plus tard. Le volume II (la croissance du nouvel Empire, 1783-1870) et le volume VII (Afrique du Sud) seront bientôt publiés. On remarque d'abord avec étonnement que ces beaux volumes ne contiennent pas de cartes ; mais on est vite rassuré par l'annonce que les éditeurs préparent un atlas historique de l'Empire britannique. Et voici maintenant deux nouveaux volumes, en tous points dignes des précédents, qui nous donnent un magistral tableau de l'évolution des deux Dominions de l'hémisphère austral.

Trois histoires de province, — trois livres qui ne se ressemblent guère. — Il est loisible de ne pas tout aimer dans la « Savoie » de Mr Henri Menabrea. Un petit grain de fantaisie de trop, m'a-t-il semblé, dans les débuts ; quelques longueurs dans l'exposé de la grande politique du XVIIIe siècle ; sur Joseph de Maistre, un chapitre décevant, où les allusions, trop souvent, prennent la place des faits précis, qui eussent permis de camper, comme elle le méritait, cette curieuse figure ; çà et là des considérations inutilement moralisantes, qui alourdissent l'exposé…. Mais comment ne pas être conquis par cet allant et ce sens de l'humain ? L'ouvrage ne se contente pas d'instruire ; il amuse, au bon sens du mot ; ce n'est pas une qualité qui coure les rues, ou les bibliothèques. Sur la Champagne, Mr René Crozet nous a donné un livre soigneux, utile et clair ; un livre bien sage, en un mot, peut-être trop sage; on a l'impression, constamment, d'un élan jalousement contenu, de fenêtres à demi ouvertes sur une histoire plus large et tout aussitôt prudemment refermées.

Le Centre international de synthèse que dirige Mr Henri Berr et qui est rattaché d'ailleurs aux Annales par des liens personnels — puisque sa Section de synthèse historique a comme directeur Mr Lucien Febvre — a entrepris la rédaction d'un Vocabulaire historique dont il est inutile de dire qu'il répond à un véritable besoin. Dans chaque numéro de la Revue de synthèse, organe du Centre, paraissent des « projets d'articles du Vocabulaire » : projets, parce que les lecteurs de la Revue, les membres et correspondants du Centre sont priés de fournir, quand il y a lieu, des rectifications ou des compléments au travail élaboré par le rédacteur du mot.